France Inter – L’ONG Oxfam publie ce lundi son rapport sur les inégalités mondiales. Il en ressort que la fortune des milliardaires a davantage augmenté en 19 mois de pandémie qu’au cours de la dernière décennie. À titre d’exemple, en France, les cinq premières fortunes ont doublé leur richesse.
Depuis le début de la pandémie, les milliardaires se sont enrichis comme jamais. C’est le principal constat qui ressort du rapport sur les inégalités mondiales réalisé par l’organisme Oxfam, dont la directrice générale en France est Cécile Duflot, ancienne ministre de François Hollande.
Sa publication, ce lundi, est liée à l’ouverture l’ouverture du « Davos Agenda », une semaine de dialogues virtuels organisés par le Forum économique mondial.
Oxfam annonce que la fortune des milliardaires dans le monde a davantage augmenté en 19 mois de pandémie qu’au cours de la dernière décennie. L’ONG affirme également que la planète, depuis le début de la crise Covid, « compte un nouveau milliardaire toutes les 26 heures, alors que 160 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté. »
Autre conclusion, « 252 hommes se partagent aujourd’hui plus de richesses que le milliard de filles et de femmes vivant en Afrique, en Amérique latine et aux Caraïbes réunies. » Pour réaliser son rapport, l’organisme s’est basé sur le classement des milliardaires de 2021 de Forbes et sur les données du Global Wealth Databook 2021, du Credit Suisse Research Institute.
Un enrichissement « historique » des milliardaires français
En France, les milliardaires se sont également largement enrichis et de manière « historique ». D’après Oxfam, « de mars 2020 à octobre 2021, les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86%, soit un gain de 236 milliards d’euros. À titre de comparaison, elles avaient augmenté de 231 milliards d’euros en 10 ans, entre 2009 et 2019. »
Si on se concentre sur les cinq premières fortunes du pays, « elles ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie : elles ont gagné 173 milliards d’euros. C’est près de ce que l’Etat a dépensé pour faire face au Covid-19 en un an. » Oxfam annonce que ces cinq milliardaires possèdent désormais autant que les 40% les plus pauvres en France. Bernard Arnault, PDG du groupe de luxe LVMH, a vu par exemple sa fortune passer de 67 milliards d’euros en mars 2020 à 163 milliards, en octobre dernier.
Comment expliquer un tel enrichissement ? Selon Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France, « la pandémie a été une aubaine. S’ils se sont enrichis, ce n’est pas grâce à la main invisible du marché, ni par les choix stratégiques brillants mais principalement en raison de l’argent public versé sans condition par les gouvernements et les banques centrales dont ils ont pu profiter grâce à une montée en flèche des cours des actions. »
Quentin Parinello ajoute que « cette concentration extrême des richesses est le résultat de choix politiques. Avec les 236 milliards supplémentaires engrangés en 19 mois par les milliardaires, on pourrait quadrupler le budget de l’hôpital public ou distribuer un chèque de 3.500 euros à chaque Français ».
« 5% des ménages les plus modestes ont perdu jusqu’à 0,5% de leur pouvoir d’achat »
Dans le même temps, toujours selon l’ONG, la crise a intensifié la pauvreté chez celles et ceux qui étaient déjà en difficulté avant la pandémie. Aujourd’hui, « sept millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire pour vivre, soit 10% de la population française, et quatre millions de personnes supplémentaires sont en situation de vulnérabilité à cause de la crise. » Les chiffres avancés par Oxfam proviennent du Secours Catholique et du Crédoc.
Son porte-parole, Quentin Parrinello, pointe du doigt la politique du gouvernement. « Les choix politiques d’Emmanuel Macron depuis cinq ans ont provoqué une sécession des plus riches et accablé les plus fragiles avec la baisse des APL, la réforme de l’assurance chômage, les coupes dans les budgets de l’hôpital public, dans l’éducation… ».
Évoquant les analyses indépendantes menées par l’Institut des politiques publiques (IPP), Oxfam explique dans son rapport que le quinquennat a été « un accélérateur des inégalités ». « Les 1% les plus riches ont vu leur niveau de vie augmenter de 2,8% en moyenne, quand les 5% des ménages les plus modestes ont perdu jusqu’à 0,5% de leur pouvoir d’achat. »
Face à cette situation, Oxfam France, « appelle à un changement radical de politique fiscale » et « met sur la table des candidats à la présidentielle 15 réformes chiffrées permettant de récolter au moins 65 milliards d’euros supplémentaires par an. » Parmi celles-ci : la mise en place d’un ISF rénové avec une surtaxe pour les patrimoines les plus polluants, une réforme de l’imposition de l’héritage, ou encore un impôt sur le revenu, présenté comme « plus juste et plus féministe ».
Par Luc Chemla