Dermato-allergologue, spécialiste en santé publique, Dr. Mariem Kébé, est conseillère technique chargée de la réforme hospitalière au ministère de la santé. Secrétaire générale de la Société Mauritanienne de Dermatologie (SMD), elle coordonne le Projet de Télé-dermatologie monté en partenariat avec la SMD, le ministère de la Santé mauritanien et la Fondation Pierre Fabre. Dr. Kébé enseigne aussi à la faculté de médecine de Nouakchott. Horizons l’a rencontrée au lendemain d’un atelier que la SMD a organisé à Nouakchott, il y a quelques jours. Dans cet entretien, elle revient sur les enjeux de la télé-dermatologie, la prise en charge des maladies de la peau, le renforcement de la capacité du personnel de santé dans des régions pilotes du projet de télé-dermatologie, la dépigmentation artificielle…
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Horizons :Vous venez de boucler un atelier sur la télé-dermatologie. Quelle importance revêt cette technique pour le personnel des régions ciblées dans la prise en charge des maladies de la peau ?
Dr.Mariem Kebé:
La Télé-dermatologie permet d’utiliser les techniques de l’information et de la télécommunication pour faciliter la prise en charge des dermatoses à distance à travers une plateforme sécurisée. Il faut noter que les wilayas de l’intérieur sont dépourvues de dermatologues. Tous les centres hospitaliers et les centres de santé des wilayas de l’Assaba, du Gorgol et du Tiris Zemmour sont impliqués dans le projet de télé-dermatologie. Les wilayas cibles de notre projet ont été choisies de manière stratégique pour faciliter leur accès sur le territoire national. La Télé-dermatologie est d’autant plus intéressante que le patient peut accéder à une prise en charge spécialisée sans avoir à se déplacer vers les dermatologues. De 2019 à 2021, plus de 3000 patients ont été pris en charge à distance par cette méthode. Pour cette nouvelle phase, les agents de santé formés aux dermatoses courantes pourront prendre en charge les cas simples et n’adresser aux spécialistes que les cas difficiles.
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Horizons : Quelles sont les maladies dermatologiques les plus fréquentes chez les patients ? De quels moyens dispose-t-on pour les prendre en charge ? Dr. Mariem Kebé : Des études faites sur les dermatoses courantes en Mauritanie montrent que les mycoses sont les plus fréquentes, suivies des eczémas, des infections bactériennes et parasitaires (impétigo, gale…), de l’acné, des complications de la dépigmentation artificielle… Les médicaments nécessaires pour prendre en charge ces différentes pathologies sont disponibles sur le marché en Mauritanie. Cependant, l’accessibilité financière peut faire défaut surtout pour les patients non assurés ou indigents. Horizons : La dépigmentation de la peau prend de l’ampleur malgré les dégâts qu’elle cause. Que fait la Société Mauritanienne de Dermatologie dont vous êtes la secrétaire générale, pour dissuader les personnes tentées par cette pratique ? Existe-t-il un texte réglementant l’importation et la commercialisation des produits nocifs pour la peau ? Dr. Mariem Kebé : La dépigmentation artificielle est un grand problème de santé publique. Elle touche une grande partie de la population qui est exposée à des produits dangereux pendant de longues périodes. Tous ces produits sont nuisibles entraînant des effets secondaires dermatologiques très graves (toutes les infections bactériennes, virales, parasitaires et/ou mycosiques, des troubles trophiques cutanées, des cancers cutanés…) ou généraux (diabète, hypertension artérielle…). Dans une étude réalisée en 2015 en Mauritanie, 73,8% des utilisatrices connaissaient parfaitement les complications sans que cela ne les en dissuade et 96,3% d’entre elles présentaient des effets secondaires.
Tous les dermatologues sont à pied d’œuvre pour alerter les pouvoirs publics et la population sur ce fléau qui gangrène notre société. La dépigmentation artificielle est un phénomène de société dont la lutte dépasse les seuls dermatologues. Nous appelons tout le monde à participer à une sensibilisation accrue et agressive car l’heure n’est plus aux discours. Les complications de la dépigmentation artificielle sont devenues l’un des principaux motifs de consultations en dermatologie où les patientes arrivent avec des formes graves ou au stade de troubles esthétiques importants et le plus souvent irréversibles.
Le Gouvernement de manière globale, le ministère du Commerce et le ministère de la Santé en particulier devraient prendre des mesures fortes et interdire l’importation et la vente des produits dépigmentant ainsi que la saisie et la destruction des produits existant sur le marché. On devrait aussi veiller aux médicaments que les femmes utilisent pour se dépigmenter et qui sont en vente libre dans les commerces. A mon humble avis, le meilleur texte juridique devrait être une loi interdisant l’importation et la vente des produits dépigmentant, car il y va de la santé d’une grande partie de la population.
Propos recueillis
Par Athié Alassane
Horizons 8246 du mardi 15 mars 2022