La récente sortie du président français, Emanuel Macron, concernant le Mali, prouve à suffisance combien la France tient à déstabiliser le Mali, afin d’avoir une main mise sur le pays. En regardant cette vidéo de Macron qui est devenue virale sur les réseaux sociaux, on se demande comment est-ce qu’un Chef d’État peut se permettre de parler comme ça d’un autre Etat. Mais très rapidement après plusieurs vérifications, on se rend à l’évidence.
Sur la décision des autorités maliennes de suspendre la diffusion de France 24 et RFI, le langage du président Macron n’est pas diplomatique.
Il martèle : « Je condamne avec la plus grande fermeté cette décision qui me semble totalement contraire aux valeurs que portent le peuple malien et le Mali depuis son indépendance. Je pense que cette décision est grave, elle est prise par une transition que je rappelle, est le fruit de deux coups d’Etat et elle est le signe d’une course en avant vers le pire. Comme vous le savez, dès le printemps 2021 de manière très claire en appelant la CEDEAO à réagir avec beaucoup plus de fermeté, nous avons ensuite renforcé notre pression, puis nous avons pris des décisions politiques et militaires qui convenaient ces dernières semaines et derniers mois.
Et le président Macron de poursuivre : « Je souhaite ardemment que les maliens et les maliennes puissent avoir des autorités démocratiquement élues qu’ils méritent. Et j’en appelle à la CEDEAO, l’organisation sous régionale et l’Union Africaine de prendre les décisions qui conviennent et la France à appuyer, comme nous avons fait à chaque fois qu’ils ont pris leur responsabilité pour qu’à la fois, les violences et on le voit bien la fermeture, le déni de l’information, le droit des journalistes à librement informer, puisse cesser. En tout cas, je condamne avec la plus grande fermeté et compte m’entretenir avec dès demain avec le président Ghanéen en exercice de la CDEAO à prendre toutes les décisions légitimes en la matière ».
Sur cette sorite du Président français, il y’a plusieurs chose à redire. Mais, il faut s’arrêter à la première qui interpelle tout patriote malien : la suspension des chaines françaises par les autorités maliennes.
En effet, ce qu’Emanuel Macron a oublié, c’est qu’il y’a un problème, tout au moins de timing avec sa sortie. Il y’a quelques jours seulement, l’Union Européenne dont Emanuel Macron est le président en exercice, a décidé tout simplement de suspendre les chaînes Russes. Mais comment comprendre que le même Macron se dise choqué, offusqué et condamne avec fermeté la suspension des chaînes RFI et France 24 au Mali ?
Pourtant, il y’a quelques semaines, il était à la tête de ceux qui ont décidé de tordre le coup à la liberté d’expression en fermant les médias qui avaient un point de vue différent de la guerre en Ukraine.
Ici évidemment, il y’a la logique du deux poids deux mesures qui caractérise les dirigeants occidentaux et principalement en l’occurrence, le président de la République Française. Deuxième élément à noter dans le discours d’Emanuel Macron, il parle d’un double coup d’État au Mali.
CEDEAO-France, même odeurs et même décisions à géométrie variable
Il faut avouer que cette sortie de Macron sur le Mali est choquant, en même temps, elle démontre qu’il aurait des problèmes avec les coups d’État. En guise de boutade, cette sortie du président français est une révélation. N’est-ce pas le même Emanuel Macron qu’on a vu et accompagné (et cela est historique), son Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères Jean Ives le Drian, aller introniser le fils Déby du Tchad, après évidemment un coup d’État ?
Il faut dire que la particularité du coup d’Etat au Tchad, c’est qu’au-delà de l’armée qui a pris le pouvoir, c’est le fils du président Tchadien qui est aux affaires. Tout de suite, cela rappelle une sortie de Macron qui est assez révélatrice par rapport à la situation au Tchad. « J’ai apporté mon soutien à l’intégrité et à la stabilité du Tchad, très clairement à Ndjamena. Je suis pour une transition pacifique, démocratique, inclusive. Je ne suis pas pour un plan de succession. Et la France ne sera aux côtés de celles et ceux qui forment ce projet ».
À l’époque ou Emanuel Macron disait qu’il soutient la transition au Tchad, il faut savoir pourquoi peut-on soutenir une transition au Tchad et pas celle du Mali ? En plus, il nous apprend qu’il est impossible de soutenir une succession. La question que l’on se pose, c’est de savoir qui dirige le Tchad aujourd’hui ? Si on n’abuse pas, il s’agit du fils du président Déby. N’est-ce pas là une succession ?
On est en plein paradoxe parce que la sauvegarde des français amène les dirigeants français à se contredire, à être dans une sorte de compromission et à développer une sorte de politique guidée par leurs intérêts. Qui peut dire quand il y’aura les élections au Tchad ? Même s’il y’a un semblant de calendrier annoncé. Mais les faits sur le terrain démontrent que la transition au Tchad ne respectera en rien ledit calendrier. Est-ce qu’on a entendu quelqu’un s’offusquer et se plaindre ? La réponse est Non !
Autre élément plus important, il y’a eu plusieurs coups d’État dans plusieurs pays, notamment en Afrique de l’Ouest. En république de Guinée par exemple. Aujourd’hui, personne ne connaît le calendrier des élections ni la durée que s’est fixée cette transition. Mais on ne voit pas de gens s’offusquer et exiger un calendrier immédiat.
Très récemment, c’était le tour du Burkina Faso. Les faits sont évocateurs. La transition au Burkina vient d’annoncer un délai de trente-six mois. En tant qu’analyste, on se disait qu’il allait avoir des réactions fortes de la CEDEAO et de ses alliés pour condamner la transition au Faso qui de manière souveraine a déterminé la durée de sa transition. Mais en lieu et place des sanctions et condamnations tout azimuts, on a eu droit à une validation de la CDEAO qui visiblement, a entériné les trente-six mois proposés ou décidés par les autorités de la transition Burkinabè.
D’ailleurs, une mission de la CEDEAO s’est déplacée pour Ouagadougou et a annoncé qu’elle allait travailler avec les nouvelles autorités et qu’elle attendrait tout simplement un chronogramme de ces autorités et leurs expliquant ce qu’elles comptent faire dans 36 mois.
La question qui vient à l’esprit, c’est qu’entre le Mali et le Burkina Faso, qui a plus besoin de temps pour parachever sa transition ? Lequel de ces deux pays est dans la situation la plus compliquée et la plus complexe ?
Si on accorde 36 mois au Burkina Faso, combien de mois faut-il au Mali pour régler également ses problèmes quand on sait qu’aujourd’hui, en matière d’insécurité pour ne prendre que cet exemple, le Mali est dans une situation trois ou quatre, voire cinq fois plus complexe que celle que connaît le Burkina Faso ? C’est autant d’interrogations qu’on peut se poser en observant les réactions des différents acteurs sur la situation sur la scène internationale.
Emanuel Macron, président de la CEDEAO ?
Autre élément important, de cette sortie du président Français, c’est lorsqu’il dit : « je compte m’entretenir dès demain avec le président Ghanéen pour l’appeler à prendre toutes les décisions ultimes en la matière ».
En tant que qui et en quelle qualité, Emanuel Macron, appelle le président de la CEDEAO pour lui demander de prendre des décisions ou alors pour rester diplomatique, lui suggérer de prendre des sanctions contre un autre Etat souverain, membre fondateur de cette CEDEAO ? Qui dirige alors finalement la CDEAO ? Est-ce Emanuel Macron ou Nana Akufu ADO ? C’est une question qui, aujourd’hui mérite d’être posée.
Mais ce ton et cette manière de parler d’Emanuel Macron ne surprend pas quand on se rend compte que nos institutions, que ce soit la CEDEAO et l’UA, fonctionnent grâce aux financements de ces pays occidentaux. Et tout le monde connaît l’adage : « qui paie, commande ».
Donc Emanuel Macron estime que la CEDEAO et l’Union Africaine sont des instruments à sa disposition et qu’il peut utiliser à escient pour régler ses problèmes avec celui qui veut aller à l’encontre de sa vision ou de sa politique, notamment en ce qui concerne l’Afrique. On a là, l’occasion de vérifier véritablement pour qui roule la CEDEAO.
Parce que si dans les jours, qu’il y’a un durcissement de sanctions contre le Mali, on comprendra alors d’où sont partis les ordres. Parce qu’il ne faut pas oubliez qu’avant les premières sanctions qu’a connues le Mali, le chef d’Etat français et son ministre des affaires étrangères avaient déjà annoncé des sanctions. Et après les sanctions, c’est les mêmes autorités qui les ont commentées sans que les autorités des pays de la CEDEAO ne le fassent. La France s’est même empressée à sanctionner également le Mali dans la foulée des sanctions de la CEDEAO. On s’est même demandé à l’époque si la France n’était pas devenue membre de la CEDEAO. Cela n’est pas passé inaperçu lorsque la compagnie Française Air France avait suspendu de manière unilatérale ses vols à destination de Bamako, en sortir des passagers de l’avion qui y étaient déjà installés, dans la logique de cette sanction. Mais comme ils sont (disons-le sans risque de se tromper) un peu plus malins que nous, ils ont repris des vols pendant que des compagnies comme Air Côte d’Ivoire, Air Sénégal continuent à ne pas desservir le Mali. Et on se demande qui est véritablement dupe dans cette histoire.
Pour en finir avec cette sortie de Macron, il faut reconnaître qu’il ne peut le faire parce que certains africains ont accepté de sous-traiter leur souveraineté. Parce que certains dirigeants africains ont accepté de continuer d’être des relais de la France, sinon ils ne se permettraient pas.
Quel autre chef d’État au monde peut parler comme ça d’un autre pays, d’un autre continent ?
Tout ceci démontre en réalité que nous sommes dans un monde totalement déséquilibré où vous avez d’un côté des puissants qui pensent être des maîtres du monde et pensent pouvoir poser des actes sans aucune répréhension. Parce qu’ils estiment être dans une position qui leur permet de dicter leur volonté au reste du monde. Et quand vous essayez de vous écarter de cette ligne, ils peuvent décider de vous punir.
Adama Coulibaly