Afrimag – La vingtaine de formations politiques reconnues en Mauritanie ont été conviées, le 26 novembre, à venir «se concerter» sur le Pacte Républicain signé, en septembre, entre le parti au pouvoir, El Insaf, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et l’Union des forces de progrès (UFP), deux partis d’opposition en déclin.
Le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, maître de cérémonie de ce nouvel accord que conteste, fortement, l’opposition radicale, veut, apparemment, élargir la liste des signataires de cette charte et l’inscrire dans le cadre de «l’apaisement» politique avant l’organisation de la présidentielle de 2024.
A chaque échéance électorale son «accord» ! Un de plus, donc, alors qu’on sort à peine de celui qui a permis l’organisation des élections municipales, législatives et régionales de juin 2023.
Ceux qui désespèrent de voir l’opposition s’accrocher à tout compromis voient en ce pacte une stratégie politique tout bénéficie pour le pouvoir et sa majorité qui vient d’appeler le président Ghazouani à se représenter pour un second quinquennat.
L’objectif étant de montrer que, depuis août 2019, la scène politique nationale vit au rythme de l’apaisement initié par Ghazouani qui en a fait le fondement de sa gouvernance du pays au sortir d’une longue crise politique (2009-2019) sous Aziz aujourd’hui voué aux gémonies et trainé devant la justice. Les opposants comme Ahmed Ould Daddah, trois fois candidat malheureux à la présidentielle, Messaoud Ould Boulkheir, ancien président de l’Assemblée nationale, également candidat malheureux à la présidentielle de 2007 et à celle de 2014, Biram Dah Abeid, figure montante de l’opposition mauritanienne et tant d’autres ont été reçus «sans formalités» à la présidence de la République alors qu’Aziz avait travaillé, son règne durant, à les banaliser.
L’apaisement est un «endormissement» pour une opposition qui perd du terrain, pensent ceux qui veulent en découdre avec le pouvoir en 2024. Et qui estiment, au sein du RFD et de l’UFP, par exemple, que se rapprocher du président Ghazouani est une inadmissible compromission, alors que l’objectif de l’opposition était – et reste – lié à sa volonté à provoquer l’alternance, certes de manière pacifique, mais pas en faisant le jeu du pouvoir.
Ceux qui défendent le Pacte en jouant la carte de l’apaisement croient que c’est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour garantir une plus grande transparence des élections présidentielles de 2024. Ils voient l’accord comme une sorte de «réparation» après la longue crise que la classe politique nationale vivait comme une sorte de «normalité.»
Pour le gouvernement, représenté par le ministère de l’Intérieur, cet apaisement, aujourd’hui accepté comme un modus operandi par la majorité de la classe politique mauritanienne, doit se renouveler de temps à autre. Une volonté traduite par le parrainage, le 21 septembre 2023, de la signature du Pacte Républicain que les principaux protagonistes présentent au reste de la classe politique, invitée à y adhérer, ainsi qu’à l’opinion publique nationale, comme la réaffirmation que la Mauritanie est un «pays stable» dans une région en proie à des tensions politiques (Sénégal), de transitions militaires sans fin (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) aggravées par la reprise des hostilités entre les forces armées et les groupes séparatistes ou djihadistes.
Le Pacte républicain n’est pas venu régler une crise, loin s’en faut, mais entretenir la flamme de l’apaisement. Ceux qui l’ont pensé (deux formations de l’opposition et le parti au pouvoir) ne cherchent autre chose, prétendent-ils, que consolider les acquis démocratiques en «réparant» ce qu’ils considèrent comme des dysfonctionnements constatés lors de la tenue des dernières élections municipales, législatives et régionales.
Le Pacte républicain ne doit donc pas être vu comme une remise en cause de ce qui a été convenu entre les 25 formations politiques reconnues qui avaient pris part aux concertations nationales ayant rendu possible l’organisation d’élections de juin 2023. Il n’en est que le prolongement dans le sens de l’implication de nouveaux acteurs cherchant faire accepter leur vision propre pour des élections présidentielles que le parti au pouvoir croit gagnées d’avance.
Par Mohamed Sneïba, Correspondant Permanent – Nouakchott