Au cours des dernières années, la Mauritanie a instauré divers programmes de protection sociale afin de lutter contre la pauvreté, en mettant l’accent sur les filets sociaux et les transferts monétaires réguliers. Le programme TAAZOUR constitue un élément clé de cette stratégie. Cependant, malgré ces efforts, les résultats obtenus restent en deçà des attentes. De nombreuses populations vulnérables, notamment les nomades, continuent de faire face à une exclusion ou à un accès limité aux services.
Les transferts monétaires, bien qu’ils répondent à des besoins immédiats, s’avèrent souvent insuffisants pour engendrer des dynamiques durables d’autonomisation économique ou sociale. Les sommes distribuées ne permettent pas d’améliorer significativement la condition des bénéficiaires, qui ont du mal à échapper à la pauvreté. En outre, ces transferts sont généralement dépourvus de mesures d’accompagnement telles que des formations professionnelles, des micro-crédits ou un accès facilité à l’emploi, ce qui en limite l’impact à long terme.
Le ciblage des bénéficiaires, bien qu’il ait été optimisé grâce à la création d’un registre social unifié, présente encore des lacunes, car certaines populations, en particulier les nomades, ne sont pas suffisamment représentées. Ces groupes vivent fréquemment en dehors des circuits administratifs traditionnels, dans des zones isolées difficilement accessibles.
Un autre défi majeur réside dans le manque de coordination entre les programmes de protection sociale et les services sociaux essentiels, tels que la santé, l’éducation ou l’état civil. Les filets sociaux sont souvent mis en œuvre de manière isolée, ce qui empêche les bénéficiaires d’accéder à ces services vitaux de manière intégrée. De plus, les transferts ne sont que rarement conditionnés à des engagements sociaux, tels que la scolarisation des enfants ou la vaccination, ce qui restreint l’efficacité des programmes. La faible implication des collectivités locales dans la planification et la mise en œuvre des programmes complique également la prise en compte des besoins spécifiques, surtout dans les zones rurales ou les régions à forte présence nomade.
Les populations nomades, en particulier, rencontrent des obstacles importants pour accéder à la protection sociale. Leur mobilité et leur éloignement des centres administratifs les rendent souvent invisibles aux yeux des décideurs. L’accès à l’état civil est également limité pour eux, ce qui les empêche d’être intégrés dans les registres sociaux. De surcroît, les dispositifs actuels de filets sociaux ne répondent pas à leurs besoins spécifiques, car ils sont conçus pour des populations sédentaires, offrant des transferts réguliers à des emplacements fixes, incompatibles avec un mode de vie nomade. Cette exclusion des populations mobiles risque d’accentuer les inégalités en matière d’accès à la protection sociale, compromettant ainsi l’objectif d’équité des politiques sociales.
Pour améliorer l’efficacité des filets sociaux et garantir une inclusion véritablement équitable, plusieurs mesures doivent être envisagées. D’abord, il est crucial de réviser les mécanismes de ciblage afin d’inclure les populations nomades, en adaptant les outils d’enregistrement à leur réalité de mobilité. De plus, le déploiement de dispositifs mobiles ou itinérants, comme des équipes de services sociaux mobiles ou des transferts via des solutions numériques, serait bénéfique pour s’ajuster à la mobilité des bénéficiaires. Une meilleure coordination entre les filets sociaux et les services sociaux essentiels est également indispensable, notamment dans les zones rurales, isolées ou à forte présence nomade. Les collectivités locales et les acteurs communautaires doivent être davantage impliqués pour identifier avec précision les besoins des populations vulnérables. Enfin, il est nécessaire d’adopter une approche différenciée et flexible selon les profils des bénéficiaires, qu’ils soient urbains, ruraux ou nomades, afin d’assurer un accès universel à la protection sociale.
La Mauritanie a accompli des progrès notables dans le développement de sa protection sociale. Néanmoins, il est crucial d’intensifier les efforts pour garantir l’inclusion des populations les plus vulnérables, en particulier les nomades, dans ces initiatives. De plus, il est essentiel de renforcer l’engagement des autorités locales ainsi que des départements chargés des services de santé, d’éducation et d’eau, afin de garantir la transparence et la redevabilité. Cela passera également par une meilleure complémentarité entre les services de l’État, tout en veillant à éviter les doublons dans la mise en œuvre des programmes.
Mohamed BNEIJARA