La gouvernance de la nutrition en Mauritanie traverse un moment décisif, alors qu’un atelier de trois jours s’est ouvert ce lundi 8 décembre 2025 par le ministère de l’Économie et avec l’appui d’ENABEL à TIGUINT. Cet événement intervient dans un contexte où la situation nutritionnelle continue de se détériorer sous l’effet combiné de l’insécurité, de l’arrivée de réfugiés maliens, et de l’impact croissant du changement climatique, marqué par des sécheresses répétées, des pertes agricoles et une fragilité accrue des moyens de subsistance. Les acteurs de la société civile presents ont rappelè que la Mauritanie ne peut plus se contenter d’engagements déclaratifs ni d’ateliers sans suites concrètes.
Depuis des années, ils alertent sur la faiblesse persistante des mécanismes de gouvernance nutritionnelle. La plateforme multisectorielle manque de financements, les comités régionaux mis en place avec l’appui de l’UNICEF restent inactifs faute de ressources, les données nutritionnelles demeurent insuffisantes ou peu exploitées, et les ruptures d’intrants compromettent régulièrement la prise en charge des enfants et des femmes vulnérables. Par ailleurs, les secteurs clés comme l’agriculture, la sécurité alimentaire, l’eau et l’assainissement ou la protection sociale n’intègrent que très partiellement la nutrition, alors que les effets du changement climatique accélèrent l’aggravation de la malnutrition dans les communautés les plus fragiles.
Les engagements pris par la Mauritanie dans le cadre de Nutrition for Growth (N4G) exigent aujourd’hui un accompagnement politique fort et une mobilisation immédiate des ressources. iI est indispensable d’élaborer une feuille de route nationale claire et contraignante pour renforcer la gouvernance, clarifier les responsabilités institutionnelles, sécuriser l’approvisionnement en intrants, améliorer la transparence des données et instaurer un mécanisme régulier de suivi-évaluation. L’intégration systématique de la nutrition dans toutes les stratégies sectorielles, en particulier celles dédiées à la réduction des effets du changement climatique, constitue désormais une nécessité absolue pour protéger les populations vulnérables.
La mobilisation des financements climatiques offre également une opportunité majeure que la Mauritanie doit saisir, au vu du lien direct entre dérèglement climatique et aggravation de la malnutrition. L’accès renforcé au Fonds Vert pour le Climat, au Fonds d’adaptation et aux financements bilatéraux orientés climat permettra de soutenir des interventions durables et résilientes.
Dans cette dynamique, il convient de remercier ENABEL et, à travers elle, l’Union européenne pour leur engagement constant aux côtés des populations fragiles du pays, et en particulier pour leur appui déterminant en faveur de la nutrition. Leur soutien demeure essentiel pour accompagner la Mauritanie dans les réformes nécessaires.
Aujourd’hui, la société civile membre de la plateforme appelle à des décisions courageuses. La nutrition doit devenir une réelle priorité politique, budgétaire et climatique. Les communautés, les femmes et les acteurs locaux, qui vivent au quotidien les conséquences de la crise nutritionnelle, doivent être pleinement impliqués dans toutes les étapes de la réponse. La Mauritanie ne peut plus laisser ses engagements en suspens : elle doit agir maintenant pour protéger ses enfants et assurer l’avenir de ses populations.
Mohamed BNEIJARA