Du 23 au 25 décembre, Tiguint a accueilli un atelier de grande importance consacré à la fortification des aliments de base, notamment le sel et la farine. Organisée par le ministère de l’Économie et du Développement, avec le soutien de l’UNICEF, cette rencontre a mis en évidence les nombreux bénéfices sanitaires, économiques et sociaux associés à la fortification alimentaire. Les participants ont souligné son rôle essentiel dans la réduction des carences en micronutriments vitaux — fer, iode, vitamine A, zinc et acide folique — responsables de maladies graves telles que l’anémie, le retard de croissance, la cécité évitable ou l’affaiblissement du système immunitaire. L’amélioration espérée de la santé maternelle et infantile, notamment chez les femmes enceintes, les mères allaitantes et les enfants de moins de cinq ans, ainsi que la baisse de la mortalité maternelle et infantile, ont été présentées comme des avancées majeures de cette politique.

Sur le plan économique, la fortification a été présentée comme une intervention à fort rendement : une population mieux nourrie est plus productive, plus concentrée et moins vulnérable aux maladies, ce qui permet de réduire durablement les dépenses de santé publique. Sur le long terme, l’amélioration du développement cognitif des enfants renforcerait l’employabilité et la compétitivité nationale, faisant de la fortification l’une des politiques nutritionnelles les plus rentables par habitant. Sur le plan social, cette démarche contribue à réduire les inégalités en touchant l’ensemble de la population sans bouleverser radicalement les habitudes alimentaires, tout en consolidant la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Néanmoins, au-delà de ces constats largement partagés, l’atelier a mis en lumière une problématique cruciale : celle de la gouvernance. La réussite de la fortification ne peut se limiter à des engagements de principe. Elle exige un cadre législatif clair et efficace, dont la loi doit être non seulement adoptée, mais aussi largement diffusée auprès de tous les acteurs concernés. L’intégration réelle du secteur privé, de la société civile et des acteurs sectoriels demeure un défi majeur, tout comme le renforcement des capacités techniques des départements impliqués, la mise en place de laboratoires spécialisés opérationnels et l’engagement du secteur privé dans la communication. La surveillance de la qualité demeure un enjeu critique, nécessitant que les autorités disposent de moyens humains, techniques et financiers adaptés. Enfin, sans un financement durable, des campagnes nationales de sensibilisation ambitieuses et un dispositif crédible de suivi-évaluation, la politique de fortification risque de rester un simple discours déconnecté des réalités des populations, y compris à Tiguint.

Cependant, la mise en œuvre sur le terrain révèle une problématique préoccupante : au lieu de renforcer la fortification du fer, certains vendeurs profitent de la situation en achetant des emballages portant des inscriptions sur la fortification, mais en y mettant en réalité des produits non enrichis ou dilués. Cette pratique frauduleuse trompe non seulement les consommateurs, qui croient consommer des produits enrichis pour prévenir les carences, mais aussi les services de contrôle qui peinent à détecter ces contrefaçons.

Ce détournement met en lumière une faille sérieuse dans la chaîne de contrôle de la qualité et de la traçabilité des produits. Au lieu de renforcer l’efficacité de la politique de fortification, ces comportements frauduleux risquent d’éroder la confiance des populations et d’aggraver la situation sanitaire si la consommation de produits non enrichis devient courante. La lutte contre ces pratiques nécessite un renforcement des mécanismes de contrôle, une sensibilisation accrue des consommateurs face à ces emballages trompeurs, ainsi qu’une régulation stricte pour sanctionner ces contournements qui compromettent la crédibilité et l’efficacité des politiques de fortification.

Mohamed BNEIJARA

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