En Mauritanie, un phénomène aussi étrange que regrettable persiste : dès qu’un cadre compétent, courtois et respecté est nommé ministre, il semble soudainement se transformer. Celui qu’on voyait simple, accessible et attentif devient distant, inaccessible — presque comme s’il portait une maladie contagieuse. Il ne salue plus, ne répond plus, évite même ses anciens amis. Cette métamorphose, observée à chaque remaniement, interroge profondément notre conception du pouvoir et du service public.
Dans la plupart des pays démocratiques, les ministres gardent leurs portes ouvertes, dialoguent avec les citoyens, écoutent les doléances et partagent leurs visions. Chez nous, le pouvoir semble au contraire ériger des murs. L’autorité devient barrière, la responsabilité devient isolement.
Pourtant, notre histoire administrative nous rappelle un autre modèle. Il fut un temps où, sur les murs des brigades de gendarmerie, on lisait fièrement ces mots : « Éduquer – Secourir – Aider – Renseigner – Réprimer. » Ces cinq verbes résumaient à merveille la mission d’un État au service du peuple : protéger, accompagner, instruire et servir avant de sanctionner. Aujourd’hui, il semble qu’on ait oublié les quatre premiers pour ne garder que le dernier.
Ce dysfonctionnement se manifeste jusque dans les détails les plus banals : combien de bureaux administratifs n’ont pas de toilettes accessibles au public ? Et quand elles existent, leurs clés sont jalousement gardées par un « responsable ». Comment parler de proximité avec le citoyen dans de telles conditions ?
Il est temps de changer ces comportements. Le pouvoir ne devrait pas isoler, il devrait relier. Servir, c’est rester proche. Gouverner, c’est écouter. Et une administration digne de ce nom commence par le respect de la dignité des citoyens qu’elle prétend servir.
Mohamed BNEIJARA