Je l’ai laissé entendre dans une tribune intitulée « Et maintenant? » publiée dans le journal « Le Calame » du 6 Novembre 2019, ce que nous attendons du Président Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani et de la scène politique en général, c’est qu’ils mettent en œuvre dans le pays une « politique de civilisation » (l’expression n’est pas de moi, mais du sociologue français Edgar Morin)
Il convient de définir maintenant en quoi consiste selon moi, et pour la Mauritanie, une « politique de civilisation ».
Dans un petit livre intitulé « L’Homme mondialisé, réalités et perspectives », que j’ai publié il y a quelques années, il m’a paru utile de souligner la différence entre deux notions que, généralement, on est amené à invoquer en substituant l’une à l’autre, soit par manque de discernement, soit pour les besoins d’un raisonnement à caractère polémique ; il s’agit de la « civilisation » et de la « culture », à propos desquelles j’ai écrit : « L’une, la civilisation, me parait pouvoir être définie comme le résultat de la réflexion ontologique de l’homme sur lui-même et cosmologique sur l’univers où il vit.
De cette réflexion naît ce qui, à mes yeux, constitue le pilier fondamental de toute civilisation, le credo religieux.
Et c’est bien de ce credo religieux et de ses valeurs spirituelles que sont déduites les valeurs morales qui définissent les rapports de l’être humain avec son environnement universel.
L’autre, la culture, n’est, quant à elle, que le véhicule par lequel se propagent les valeurs de civilisation, desquelles résultent, à leur tour, les données de la culture, aux plans littéraire, artistique, esthétique, de us et coutumes, etc.’’
Ainsi, autant la possession en commun d’une même civilisation par un groupe humain donné, installé sur un même terroir, « condamne » ce groupe, même en l’absence d’un pouvoir central unificateur, à un destin inéluctablement partagé ; autant, sous la garantie impliquée par cette civilisation partagée et ce destin lié, la démocratie, quand survient le pouvoir central unificateur, accorde, place, considération et conservation à toutes les spécificités culturelles et linguistiques propres aux diverses composantes de ce groupe.
Et c’est de cette manière, et pas autrement, que naissent et s’enracinent dès lors, sous l’égide de ce pouvoir unificateur, et au détriment de la référence ethnique, tribale ou régionale antérieure, le sentiment patriotique et les valeurs de la citoyenneté par lesquels ce groupe humain est amené à engendrer des citoyens et à constituer une Nation.
Partant de l’adage populaire qui proclame cette évidence selon laquelle ‘’celui qui ne possède pas une chose ne peut pas la donner’’, j’ai rappelé, là aussi dans une tribune rendue publique le 26 Mars 2021, qu’à la tête du pays se trouve désormais un homme dont tout porte à croire que, par son éducation et sa tradition familiales propres, ‘’nos valeurs de civilisation, notre héritage culturel dans la diversité de ses composantes, notre cohésion sociale fondée, avant même l’indépendance du pays, sur la possession en commun de ces valeurs et de cet héritage, constitueront la source d’inspiration, le levain et le ferment de [son] action’’.
Et nous constatons déjà, en effet, que le discours officiel, tout comme l’ensemble du comportement de l’Etat au plus haut niveau, sont empreints de cette mesure, de cette tolérance et de cette ouverture d’esprit, qui sont le propre de notre tradition civilisationnelle et culturelle authentique.
Et c’est ainsi et par voie de conséquence, que la scène politique nationale dans son ensemble est en train de vivre cet apaisement et cette convivialité qui sont, dans tout pays, la condition sine qua non de la paix sociale, de la justice et du développement.
Sous condition cependant que l’opposition traditionnelle de son côté, évitant de prêter oreille aux chantres et aux nostalgiques de l’outrance et de la démesure que pouvait expliquer et même peut-être justifier une situation de crise ouverte et pérenne aujourd’hui dépassée, se dispose, dans la quiétude et l’objectivité, en même temps que dans la détermination et la vigilance, à occuper sa place et à jouer son rôle, face à un pouvoir disposé à l’écoute et à la concertation.
Mais une ‘’politique de civilisation’’ ne doit pas se limiter à la ‘’normalisation’’ de la scène et de la vie politiques, ‘’normalisation’’ qui est du reste la bienvenue, mais embrasser tous les domaines de l’activité du pays, aux plan national comme international.
Je l’ai souligné dans la tribune du 26 Mars 2021 déjà évoquée, les esprits chez nous comme ailleurs en Afrique ont été affectés à la veille de l’indépendance et le demeurent encore de nos jours, d’une double imprégnation héritée de la pensée révolutionnaire marxiste et de sa ‘’généreuse utopie ’’.
Celle de l’opposition revendicative et sans nuance, confondue et liée dans un même combat de libération et de progrès avec celle de l’instauration d’un système économique de type où, tout au moins, d’inspiration marxiste.
Imprégnation qu’est venue aggraver et amplifier l’explosion anarchique de l’Internet et qui affecte désormais l’opinion publique dans sa totalité : médias, associations des droits de
l’homme, partis politiques, société civile, de même que le simple citoyen ‘’éduqué’’ à n’attendre de ceux qui le gouvernent, pas moins que la satisfaction immédiate d’une vision idéaliste de ses besoins.
Au point que les observateurs les mieux avertis eux-mêmes et les mieux intentionnés, se sont trouvés parfois embrigadés dans la mode ambiante du ‘’négationnisme’’ et de la surenchère démagogique, toutes choses génératrices de pessimisme, et même de désespérance au niveau du peuple, et source de démoralisation et de désarroi au niveau des dirigeants qui se trouvent ainsi soumis au chantage permanent de la démagogie politique, aggravé par l’exaspération de l’ethnocentrisme populiste et par la forte récurrence du régionalisme et du tribalisme de bas niveau.
Or, sans la participation d’une opinion publique tout aussi vigilante que réaliste dans ses différentes composantes, l’action de l’Etat restera toujours mal perçue, donc mal appréciée dans ses réussites et mal dénoncée dans ses échecs.
Conditionnée que se trouve cette opinion publique par la ‘’culture’’ de l’opportunisme et de la flagornerie héritée des régimes dictatoriaux successifs ; mais aussi par la prégnance du nihilisme critique ambiant, amplifié à l’outrance par une presse et des réseaux sociaux souvent dépourvus de qualification professionnelle ou d’expérience politique, et prompts à emprunter les voies de l’approximation, de l’affabulation, du simple mensonge, et même, parfois, de la délation.
Ainsi se trouve créée dans le pays une situation de quasi ‘’ingouvernabilité’’, au grand bonheur de ceux qui, pour des raisons conjoncturelles, cherchent à déstabiliser le pays.
Au niveau des pouvoirs publics
Héritier d’un passif particulièrement lourd sous tous les rapports (politique, économique, culturel, social, moral) et dont l’éradication avec le temps, postule à la fois la détermination diligente, mais également la prudence et le discernement, il incombe au pouvoir actuel, qui est maintenant à mi-parcours de son mandat quinquennal de :
A) Procéder dans les délais les plus brefs à une révision de la Constitution avec pour objectifs, tout en préservant le caractère présidentiel du régime et les contraintes énoncées aux articles 22, 29 et 99 de cette Constitution :
1- La non-appartenance du chef de l’Etat, une fois élu, à un parti politique, laissant au Premier Ministre le soin de l’organisation, de l’animation et de la conduite d’une majorité politique d’appui et de soutien à l’action du gouvernement.
Ainsi, et pour le plus grand bien de la stabilité et de la sécurité des institutions du pays, le président de la République, arbitre, garant et recours ultime de par la Constitution, bénéficiera du respect et de l’adhésion de cette majorité comme de l’opposition.
Ainsi aussi sera mis fin à la notion du ‘’Parti de l’Etat’’ héritée des régimes dictatoriaux ; lequel ‘’Parti de l’Etat’’ s’est prévalu jusqu’ici, au détriment de toute démocratie réelle, de la ‘’possession’’ par la crainte et l’intéressement, non par la conviction et la libre adhésion, de la quasi-totalité des électeurs, se glorifiant d’un unanimisme de façade, appelé, comme on l’a vu, à voler en éclats dès le départ de ceux qui l’ont suscité.
Corolaire de ce qui précède, restauration des candidatures indépendantes, et de la libre appartenance des élus à la formation politique de leur choix, en cas de conflit avec leur mouvance d’origine.
2- Une indépendance plus effective de la Justice vis-à-vis du pouvoir exécutif, à travers diverses dispositions nouvelles, dont, entre autres, la dévolution de la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature à un magistrat élu par ses pairs, et non au chef de l’Etat.
3- Une valorisation des prérogatives du Parlement rendant plus efficient son contrôle sur l’exécutif en l’impliquant davantage dans les grandes décisions de portée nationale, politique ou économique, comme par exemple, celles relatives aux fonctions d’ambassadeur ou de directeur des grandes sociétés d’Etat.
4- Au sein de l’exécutif, une responsabilisation constitutionnelle plus grande du gouvernement, notamment par un partage plus accentué et plus équilibré du pouvoir exécutif entre le chef de l’Etat et le Premier Ministre.
5- Soit au niveau de la constitution, soit au niveau de la loi, adoption de dispositions propres à mettre fin à la prolifération des partis politiques de circonstance, sans pour autant constituer une entrave à la liberté politique, mais, comme le dit d’ailleurs la loi fondamentale, en veillant, en particulier, à interdire tout parti, association ou mouvement à caractère ou à inspiration clanique, ethnique, régionale ou tribale.
6– Instauration d’une possibilité de recours plus aisé des citoyens au Conseil Constitutionnel.
B) Mettre en œuvre une réforme tout aussi urgente que nécessaire de l’Etat, à travers la création d’un grand Département en charge de cette réforme, avec pour missions, entre autres choses :
1- La redéfinition de l’organigramme de l’Etat, lequel doit ressortir d’un recensement exhaustif des tâches en vue d’une répartition logique et fonctionnelle de ces tâches.
De quoi doit découler le nombre et la fonction des départements ministériels et, au sein de ces départements, le nombre et la fonction des directions et services administratifs.
2- Le ‘’toilettage’’ de notre arsenal législatif et réglementaire plus que pléthorique, en vue d’en supprimer les contradictions et les redondances, ainsi que les archaïsmes hérités de l’administration coloniale connue pour son colbertisme et sa bureaucratie.
En vue aussi de le conformer aux dispositions de la Constitution pluraliste révisée, ainsi qu’aux normes universelles de la gestion économique, culturelle et politique en usage dans un monde globalisé dont, nolens volens, nous sommes partie prenante.
3- Après un ‘’dégraissage’’ sans doute douloureux mais nécessaire du nombre des fonctionnaires et agents de l’Etat, révision, en compensation, des avantages et salaires pour les mettre, autant que faire se peut, en rapport avec le coût de la vie ; mais aussi pour enrayer la corruption endémique au sein d’une administration devenue, avec le temps, tout aussi pléthorique elle aussi que bureaucratique et inefficace.
Minée qu’elle se trouve en même temps par l’abandon dans le recrutement comme dans les promotions politiques et administratives des critères indispensables de formation et de compétence, au profit d’’’adoubements’’ dictés par le népotisme, le clientélisme ou le souci excessif de la répartition des promotions par quotas entre ethnies, régions, ou tribus.
A preuve, l’incapacité avérée de cette administration à insuffler à l’activité économique nationale l’essor qui, en toute logique, devrait découler à la fois du programme annoncé par le gouvernement, des ressources propres actuelles ou à venir du budget de l’Etat, des opportunités offertes par l’afflux, aujourd’hui sans précédent, des facilités, aides et financements obtenus par le pays, du dynamisme reconnu de notre monde entrepreneurial.
Toutes choses dont il convient de tirer profit dans un délai raisonnable en assurant aux agents économiques comme aux citoyens en général, sinon dans les meilleures conditions, tout au moins dans des conditions acceptables de célérité et d’efficacité, les services qu’ils sont en droit d’attendre d’une administration de développement.
C) Règlement définitif du passif humanitaire consécutif aux évènements de 1990-91.
Il est utile à ce propos de rappeler que cette question avait fait l’objet, sous l’égide du regretté Président Sidi-Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (paix à son âme) d’une conférence nationale couronnée de succès et qu’il avait été envisagé de charger une personnalité nationale consensuelle de mener à bonne fin le processus pratique de règlement définitif de cette question qui, malheureusement, continue d’interpeller la conscience nationale tout en alimentant l’argumentaire de la mise en cause de la cohésion nationale.
Au niveau de la scène politique nationale
Pour les raisons déjà évoquées au début de ce propos, mais aussi, faute, au niveau des pouvoirs établis dans le pays depuis le coup d’Etat du 10 Juillet 1978, de gouvernances de qualité, enracinées dans nos valeurs, et ouvertes en même temps aux normes et critères de la modernité, les différents acteurs de la scène politique nationale (partis politiques, monde associatif, médias, leaders d’opinion) sont devenus et demeurent de plus en plus éloignés des postulations d’une ‘’politique de civilisation’’ dont il leur appartient aujourd’hui, pour leur part, de contribuer à l’avènement, en concordance avec les dispositions évidentes à l’écoute et à la concertation qui sont la marque du pouvoir politique actuel.
Pour ce faire, il appartient à la classe politique dans son ensemble de se reprendre enfin et d’accepter d’exorciser les ‘’problématiques’’ sans fondement ou, pour le moins, mal posées qui ne cessent d’empoisonner le débat politique national et d’alimenter les discours particularistes de la démagogie, de l’opportunisme et du chauvinisme, parfois agressif, à caractère ethnique, racial, tribal ou régional.
1) Les séquelles de l’esclavage en particulier et de la stratification sociale et les préjugés sociaux en général.
Personne ne peut nier que ces séquelles existent chez nous, tout comme elles existent ailleurs, et en particulier dans notre voisinage immédiat ; tout comme personne, au niveau de la conscience nationale ne saurait se soustraire à l’impérieuse nécessité de les éradiquer au plus vite et dans les meilleures conditions de paix et de sécurité, en application du reste des dispositions de tous ordres adoptées à cet effet depuis 1960 et jusqu’à 2007.
Mais l’éradication de ces séquelles ne saurait ni ne devrait être l’apanage exclusif d’individus ou de groupes particuliers, car personne, ni au sein de l’opinion nationale, ni au sein des pouvoirs publics, ne souhaite la permanence de ces séquelles et encore moins la survivance de l’impie et abominable fléau de l’esclavage.
Dès lors se présenter comme les ‘’champions’’ exclusifs d’une telle cause ne relève que de l’instrumentalisation à des fins de politique politicienne d’une tâche unanimement assumée au plan national.
Et comme on l’a vu, de cela a découlé l’éveil de passions communautaristes malsaines propres à susciter la rancœur, le rejet de l’autre et même l’hostilité génératrice d’agressivité et de haine, toutes choses propres, à Dieu ne plaise, à mettre en cause, à terme, la paix civile et la cohésion sociale.
Sans oublier l’image négative collée de manière exclusive à notre pays pour la plus grande satisfaction de ceux qui veulent se donner maintenant bonne conscience après avoir été à l’origine de la traite des Noirs, de la ségrégation raciale et de la colonisation.
C’est dans ce contexte que s’impose aujourd’hui et maintenant une ‘’politique de civilisation’’ enracinée dans nos valeurs propres, ouverte à la modernité et qui consiste pour l’ensemble des mauritaniens à unir leurs efforts pour éradiquer les séquelles de l’esclavage mais aussi celles de la stratification et des préjugés sociaux tout comme les rémanences négatives récurrentes du tribalisme et du régionalisme.
Ceci à travers une vision consensuelle et une action concertée de la démocratie, de la liberté, de la justice, du progrès économique et de la promotion sociale, loin de toute surenchère démagogique dont le résultat ne saurait être que la dispersion des efforts, les déchirures et la mise en cause de la paix civile.
A cet égard, s’imposent en particulier :
* La mise en œuvre effective de la ‘’fatwa’’ établissant et constatant la non-conformité à la Charia de la pratique esclavagiste.
* L’application vigilante et déterminée par la justice de la loi criminalisant cette pratique ainsi que des lois répressives de la discrimination et de la haine et, au besoin, leur actualisation.
* Le renforcement des moyens de la Commission Nationale des Droits de l’Homme dont l’action en faveur des droits humains est aujourd’hui évidente et appréciée au plan national et largement reconnue et saluée au plan international.
* En complément de leur limitation déjà évoquée et dans le cadre de la ‘’normalisation’’ de la scène politique déjà soulignée, le renoncement des partis politiques à l’outrance et à la démesure dans le soutien comme dans l’opposition au pouvoir en place.
Car cette outrance et cette démesure outrageusement affichées comme les signes probants et exclusifs de l’opposition et du soutien ne traduisent en effet ni l’apport avisé, vigilant et adjuvant attendu d’une majorité, ni, dans l’éventualité d’une alternance pacifique au pouvoir, les perspectives d’un changement rénovateur escompté d’une opposition républicaine préparée et apte à réaliser un tel changement.
Telle qu’elle se présente aujourd’hui, à l’heure de la convivialité et de l’ouverture, la scène politique postule désormais des partis politiques crédibles et, quel que soit leur positionnement par rapport à l’autorité du moment, dotés de programmes politiques, économiques et de société à option soit libérale soit socialiste (comme c’est le cas ailleurs et plus particulièrement dans notre voisinage) inscrits dans la modernité, expurgés de toute connotation sectaire, et propres à assurer dans le pays un climat de concertation positive et de saine émulation.
2) L’unité nationale
Contrairement à la paix civile et à la cohésion sociale, l’unité du pays ne peut être l’objet d’aucune menace car elle se trouve, comme cela a déjà été souligné, établie et garantie par notre commune appartenance à la civilisation islamique et se fonde d’autre part sur la cohabitation séculaire et pacifique de nos populations dans leurs différentes composantes ethniques sur un même terroir, y développant des intérêts et un destin à jamais partagés.
Les différents soubresauts qui ont parfois affecté le pays et qui sont le lot courant de toutes les nations en constitution, n’ont jamais en effet réussi à mettre en cause cette unité.
Il incombe donc à la scène politique dans ses différentes composantes de cesser d’agiter l’épouvantail de dangers imaginaires qui menaceraient l’unité du pays, accréditant ainsi ce qui relève en réalité d’une ‘’pensée unique’’ commode pour les ténors de la démagogie populiste et propre à dénaturer en même temps la concertation et le débat politiques autour des problèmes réels qui se posent à la Nation.
3) Le problème linguistique
Aucune nation ne peut se passer de posséder et de traduire son unité à travers une langue nationale écrite, à côté de ses autres langues nationales. La nôtre est, de toute évidence, l’arabe qui est le véhicule naturel de notre civilisation islamique et la langue écrite commune à toutes nos populations depuis bien avant l’occupation coloniale.
Mais en même temps, et dans le monde globalisé où nous vivons, il relève désormais de l’analphabétisme de n’avoir l’usage que d’une seule langue.
Le réalisme et l’évolution du monde nous imposent donc d’enseigner et de pratiquer les langues étrangères et, en particulier, pour des raisons historiques et de voisinage, la langue française.
Ici aussi les acteurs de la scène politique nationale, arabophones comme francophones, doivent cesser de faire de ce problème une donnée récurrente et démagogique du discours politique.
4) Le patrimoine culturel
Contrairement à la civilisation qui est chose uniforme et commune à toute une Nation, la culture, moyen, comme déjà dit, par lequel sont véhiculées et traduites en pratique les valeurs spirituelles et morales de la civilisation, ne peut et ne saurait être que multiforme.
C’est ce que nous pouvons constater dans tous les pays du monde, et c’est ce qui existedans notre pays et qui fait la richesse de notre patrimoine culturel national.
Et la démocratie bien comprise consiste à valoriser et à accorder place et respect à toutes les spécificités culturelles qui, ensemble, constituent ce patrimoine.
Les acteurs de la scène politique nationale, plutôt que de nous diviser dans le domaine culturel, devraient, au contraire, tenir un discours d’unité qui fasse que les spécificités culturelles, arabe, halpoulaar, soninké et wolof, soient perçues par chacun, non pas comme antinomiques, mais bien comme partie intégrante et assumée d’un patrimoine commun à chaque arabe, à chaque halpoulaar, à chaque soninké et à chaque wolof.
Une scène ou un Etat de droit véritable ouvert mais sans compromission à la modernité, où une majorité de conviction, non d’opportunisme et de complaisance et une indispensable opposition clairement définie dans ses options, vigilante, déterminée et constructive dans ses positions, acceptent de cohabiter dans le respect et la complémentarité.
Telles sont les conditions propres à instaurer dans le pays, sous l’empire de la liberté, de la justice et de la démocratie, le développement économique, social et culturel, attendu par notre peuple.
Tel est l’objectif d’une ‘’politique de civilisation’’.
Et un tel objectif que nous voyons atteint dans notre voisinage, au nord comme au sud, est incontestablement à notre portée, sous condition que nous acceptions enfin de donner la parole à notre héritage civilisationnel et culturel, de tourner le dos aux idées reçues du passé et à la pensée unique qui en découle, de composer avec les données économiques et politiques qui régissent un monde globalisé où, par la force des choses, nous sommes condamnés à vivre.
Nouakchott, le 23 Décembre 2021