Les droits culturels constituent un pilier fondamental de toute politique publique visant à garantir la dignité humaine, la cohésion sociale et la reconnaissance de la diversité. Ils ne se limitent pas à la préservation du patrimoine matériel ou à l’organisation d’événements culturels ponctuels, mais impliquent une participation réelle, équitable et inclusive de toutes les composantes de la société à la vie culturelle nationale.
En Mauritanie, l’action publique en matière de culture semble, ces dernières années, s’orienter principalement vers l’organisation de festivals présentés comme des outils de promotion du patrimoine et de rayonnement culturel. Toutefois, cette approche institutionnelle soulève de sérieuses interrogations. L’absence de cadres d’évaluation clairs, de mécanismes de consultation des populations locales et d’indicateurs d’impact mesurables laisse penser que ces initiatives relèvent davantage d’une logique de communication que d’une véritable politique culturelle structurée.
Le Festival des villes anciennes, organisé récemment, en est une illustration emblématique. L’événement, censé valoriser des cités historiques au rôle majeur dans les échanges intellectuels, commerciaux et culturels entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, a suscité de nombreuses critiques. Le contenu proposé a été perçu comme partiel et peu représentatif de la pluralité historique et culturelle du pays. En mettant en avant une lecture sélective de l’histoire nationale, l’institution organisatrice a, volontairement ou non, marginalisé d’autres mémoires et contributions, renforçant ainsi des clivages identitaires persistants.
Au-delà de la question du récit historique, se pose celle de l’impact réel de ces festivals sur le développement local. Les villes anciennes, souvent confrontées à la pauvreté, au manque d’infrastructures et à l’exode de leurs populations, tirent peu de bénéfices durables de ces manifestations. L’investissement financier consenti par l’État ne se traduit ni par une amélioration significative des conditions de vie des habitants, ni par la mise en place de dispositifs pérennes de valorisation du patrimoine.
Cette situation révèle une faiblesse structurelle de la gouvernance culturelle : l’absence d’une stratégie nationale inclusive, articulée autour des droits culturels, de la participation citoyenne et du développement territorial. La culture est ainsi réduite à un outil événementiel, déconnecté des réalités sociales et économiques, au lieu d’être considérée comme un levier transversal de développement et de cohésion.
Pourtant, de nombreuses expériences internationales démontrent qu’une politique patrimoniale efficace repose sur l’implication des communautés locales, la diversification des narratifs historiques, la création d’institutions culturelles durables (musées, centres d’interprétation, archives) et l’intégration de la culture dans les politiques éducatives et économiques. Sans ces fondements, les événements culturels restent éphémères et leur impact limité.
Il apparaît aujourd’hui indispensable que les autorités mauritaniennes repensent leur approche en matière de politique culturelle. La reconnaissance de la pluralité historique du pays, la transparence dans la gestion des ressources publiques et l’évaluation rigoureuse des initiatives culturelles sont des conditions essentielles pour transformer la culture en facteur d’unité nationale plutôt qu’en source de division.
Mohamed BNEIJARA