Nouakchott, 25 juillet 2025 – Au lendemain d’un tragique incendie qui a coûté la vie à plusieurs citoyens suite à l’explosion de deux véhicules sur l’axe Nouakchott- Boutilimitt, les autorités ont annoncé, sans aucun débat parlementaire, l’obligation pour tous les véhicules de se munir d’un extincteur sous peine d’amende ou d’immobilisation. Une mesure brutale, appliquée dans la panique, qui soulève des interrogations profondes sur le respect de l’État de droit et sur la manière dont la sécurité publique peut être instrumentalisée à des fins commerciales.

Dans une scène qui a choqué plus d’un, des véhicules transportant femmes et enfants ont été contraints de s’arrêter en masse aux abords de la capitale. Des policiers exigeaient la présentation d’extincteurs, provoquant des embouteillages gigantesques, des scènes de panique, et un marché noir autour de ce nouvel « or rouge ». L’extincteur, vendu la veille à 50 MRU, s’écoulait désormais à 400 MRU dans les rues. Un enrichissement brutal et choquant de certains commerçants au détriment de citoyens déjà éprouvés par le drame.

Cette précipitation est d’autant plus incompréhensible que, dans un pays ami pourtant confronté à un drame similaire – la France – la question a été abordée avec méthode et respect des institutions. Le 15 juillet 2025, suite à un incendie d’une Peugeot 107 sur l’autoroute A55 ayant ravagé les abords de Marseille, c’est une députée, Alexandra Martin (droite républicaine), qui a proposé au Parlement une loi visant à rendre obligatoire l’extincteur dans chaque véhicule et logement. Une proposition de loi, débattue, encadrée, justifiée par des études et soumise à l’approbation de la représentation nationale. Là-bas, comme dans toute démocratie, on n’improvise pas la loi.

En Mauritanie, l’improvisation a remplacé la procédure. Il ne s’agit pas de contester l’utilité de l’extincteur – outil potentiellement salvateur – mais de dénoncer la méthode : absence de décret officiel, aucune sensibilisation préalable, pas d’étude d’impact, et surtout, aucun débat au sein de l’Assemblée nationale. L’article 94 de la Constitution mauritanienne garantit pourtant que « la liberté de circuler et de disposer de ses biens ne peut être restreinte que par une loi ». Où est-elle, cette loi ?

En procédant ainsi, les autorités renvoient une image inquiétante : celle d’un État où les décisions sécuritaires peuvent être imposées sans consultation ni préparation, transformant des mesures légitimes en contraintes arbitraires, et exposant les plus vulnérables à la spéculation et à la peur.

Plus grave encore, cette décision rappelle de tristes pratiques coloniales, où l’autorité imposait sans justifier. Or, même durant la colonisation, une telle mesure – interdire la circulation sans extincteur sans texte réglementaire préalable – n’a jamais été appliquée.

Les Mauritaniens méritent mieux que l’improvisation. Ils méritent des institutions qui les respectent, des lois qui les protègent, et une justice qui veille à l’équité et à la transparence. La sécurité ne doit jamais être un prétexte pour brimer les droits, encore moins pour enrichir certains au détriment de tous.

Mohamed BNEIJARA

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