La récente déclaration d’Aoueicha Mkhaittir sur les réseaux sociaux a mis en lumière une blessure morale longtemps ignorée par les autorités. Avec des mots empreints de douleur et de dignité, elle rappelle à notre pays que l’injustice peut frapper des innocents, même ceux qui n’ont commis aucune faute. Issue d’une famille d’érudits respectés en Mauritanie, elle se trouve, malgré elle, contrainte de porter le fardeau des actes de son frère, dont elle se dissocie publiquement. Cette situation soulève des questions importantes sur la responsabilité individuelle et le poids des héritages familiaux dans notre société.
L’affaire Ould Mkhaittir a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique à l’époque. Accusé de blasphème en raison de la publication d’un texte controversé, Ould Mkhaittir a été condamné à mort en première instance par le tribunal de Nouadhibou. Son père, alors hakem de la ville, a fait preuve d’un respect indéfectible envers les lois de la République et sa foi islamique en choisissant de ne pas apporter de soutien ni de protection à son fils, établissant ainsi une nette distinction entre ses fonctions officielles et ses sentiments personnels. Ce comportement met en lumière le fait que la famille ne doit pas être tenue responsable des actes de ce jeune homme, qui devra assumer seul les conséquences de ses actions devant la justice et ne peut s’attendre à bénéficier de leur soutien dans cette affaire.
Cependant, au-delà du tumulte judiciaire, cette affaire représente une véritable épreuve pour toute une famille. Aujourd’hui, c’est la voix d’Aoueicha qui s’élève, non pas pour défendre l’indéfendable, mais pour affirmer haut et fort son innocence ainsi que celle de ses proches. Elle ne partage ni les convictions ni les écrits de son frère, et pourtant, elle endure la douleur, l’isolement et l’opprobre.
Ce cri du cœur met en lumière une injustice morale flagrante : comment une citoyenne peut-elle être tenue responsable des actes d’un adulte de sa famille ? Pourquoi son nom demeure-t-il associé à une affaire dont elle est éloignée, à l’exception de son lien de sang ? Pourquoi l’État, garant des droits de tous, choisit-il de rester silencieux face à cette situation ?
La famille Ehel Mkhaittir, malgré cette épreuve, demeure un symbole d’intégrité et de patriotisme. Son héritage culturel, son savoir religieux et sa notoriété doivent être préservés. Elle mérite protection, respect et réparation. L’État ne peut plus se cacher derrière le silence. Il est grand temps de reconnaître l’innocence de cette famille, qui ne saurait être tenue responsable des actes isolés commis par l’un de ses membres, des actes que la famille dans son ensemble déplore. De plus, il est impératif de s’assurer qu’aucune stigmatisation ne soit tolérée dans une République juste, conformément aux préceptes de l’islam, qui prônent une tolérance zéro à l’égard de l’injustice.
Le silence des autorités religieuses, des associations et même du Haut Conseil de la Fatwa face à la détresse morale d’une femme et de sa famille contraste de manière troublante avec l’énergie déployée pour des causes politiciennes, comme lorsqu’ils pressent le Président de violer la constitution pour obtenir un troisième mandat. Il est impossible de prétendre incarner la justice tout en fermant les yeux sur l’injustice.
La Mauritanie ne pourra avancer sans transparence et sans un dialogue authentique avec ses citoyens. L’affaire Mkhaittir, tout comme d’autres dossiers sensibles, requiert une prise de position claire de l’État. Il ne s’agit pas seulement de condamner ou d’absoudre, mais de protéger les innocents, de favoriser l’unité plutôt que la division, de guérir plutôt que de blesser.
Il est temps que la vérité soit mise en lumière, que la justice morale soit rendue et que l’État assume enfin ses responsabilités.
Mohamed BNEIJARA