Les relations entre la Mauritanie et le Sénégal sont actuellement tendues en raison d’un incident qui soulève des questions concernant l’emploi de la diplomatie comme outil de répression. Selon le média mauritanien Al Akhbar, le ministère de l’Intérieur sénégalais aurait demandé au député mauritanien Biram Dah Abeid de cesser ses activités politiques sur le sol sénégalais. Cette requête découlerait d’une plainte officielle du gouvernement mauritanien, transmise par l’ambassadeur à Dakar, Mohamed Ali Ould Sidi Mohamed, suite à une rencontre avec le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko.

Biram Dah Abeid, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage et défenseur des droits humains, est un homme politique qui a terminé deuxième lors de l’élection présidentielle du 29 juin 2024 et est actuellement député à l’Assemblée nationale de Mauritanie. Il a été convoqué par la police des frontières sénégalaises et reçu par le ministre de l’Intérieur, en présence de responsables de la sécurité. Lors de cette rencontre, il a été informé que ses récentes déclarations dérangeaient les autorités mauritaniennes, ce qui l’empêcherait de poursuivre ses activités politiques depuis le Sénégal. Cette situation soulève des inquiétudes quant au respect du droit international, de la liberté d’expression et de la souveraineté nationale.

Il convient de souligner que cette action va à l’encontre de la vision et des orientations du président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani, qui réaffirme constamment son engagement en faveur d’une gestion apaisée, fondée sur le dialogue et l’acceptation de l’autre, plutôt que sur la confrontation. Ce qu’il n’a pas toléré sur le territoire national, il ne l’acceptera pas sur des territoires étrangers. Il a récemment réaffirmé devant les ressortissants mauritaniens aux États-Unis que la liberté d’expression était garantie et que les critiques constructives étaient les bienvenues pour améliorer la gouvernance. Les actions de l’ambassadeur à Dakar semblent donc contredire ces engagements et ne sont pas dignes d’un pays souverain qui cherche à nuire à ses citoyens par le biais d’autres gouvernements, une situation sans précédent dans l’histoire de notre pays.

Cette affaire soulève également des questions sur le rôle de la diplomatie mauritanienne. Doit-elle servir à réprimer des voix critiques, même à l’étranger, et intervenir dans les décisions souveraines d’autres pays ? De nombreux observateurs s’inquiètent de voir des ambassades devenir des relais pour les services de sécurité, ce qui altérerait leur mission de représentation et de coopération.

Il est essentiel de noter que ni Biram Dah Abeid ni d’autres militants comme Thiam Samba ne sont poursuivis en Mauritanie. Leur présence à Dakar est légitime, comme celle de nombreux Mauritaniens qui s’y rendent pour des raisons médicales, éducatives ou professionnelles. Demander à un pays tiers de restreindre la liberté d’un citoyen pour faire taire une voix critique revient à admettre une incapacité à gérer le débat public sur son propre territoire.

Si le Sénégal accédait à cette demande, il pourrait ternir son image de nation respectueuse des libertés fondamentales, ancrée dans une tradition démocratique. Dans le cadre d’une coopération régionale, il est crucial que les autorités sénégalaises réaffirment leur engagement en faveur des droits humains et de la souveraineté de leur système judiciaire.

Alors que le pouvoir mauritanien cherche à prouver sa volonté de réforme, de telles manœuvres diplomatiques envoient un message contradictoire. Construire une démocratie solide ne passe pas par le silence imposé aux opposants à l’étranger, mais par l’écoute et la promotion de leur contribution au débat public, tout en respectant les engagements pris au nom de la République. La diplomatie doit favoriser le dialogue, l’apaisement et le respect mutuel entre les peuples, plutôt que de servir d’instrument de répression.

Mohamed BNEIJARA

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