La médiation internationale a rencontré mercredi 1er février 2023 à Kidal les groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015. Objectif : écouter leurs doléances alors que la tension monte avec Bamako, et tenter de sauver un accord plus que jamais menacé.
Les groupes armés n’y sont pas allés par quatre chemins. « C’est l’accord qui fait de nous des Maliens », a déclaré Alhabass Ag Intallah, à la tête des ex-rebelles indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et président en exercice du Cadre stratégique permanent (CSP), qui rassemble les groupes signataires toutes tendances confondues. « Sans cet accord, a-t-il poursuivi, nous sommes azawadiens ». Terme qui désigne les seules régions du nord du Mali.
Des paroles en forme de mise en garde, prononcées devant une délégation de la médiation internationale, du comité de suivi de l’accord de paix, ainsi que du Conseil de sécurité des Nations unies. Des représentants de l’Union africaine, de la Cédéao ou encore de la Minusma étaient également du voyage.
« Ces soldats qui ont pris le pouvoir »
Les groupes armés estiment que les autorités maliennes de transition issues du coup d’État d’août 2020 – « ces soldats qui ont pris le pouvoir à Bamako et dont nous ne recevons pas d’ordres », a également déclaré Alghabass Ag Intallah – ne sont pas engagées dans la mise en œuvre de l’accord.
Depuis le mois de décembre, les mouvements signataires ont suspendu leur participation aux mécanismes de l’accord et demandent une réunion d’urgence « en terrain neutre ». Réunion dont le principe a été accepté par la médiation, mais rejeté par le gouvernement malien de transition. Les groupes signataires ont donc réitéré cette demande et souhaité que la médiation fasse preuve de plus de fermeté.
L’accord de paix « seul lien avec le Mali »
« Cet accord est le seul lien que nous avons aujourd’hui avec le gouvernement de Bamako, précise de manière plus diplomatique Attaye Ag Mohamed, en charge du dossier pour le CSP. Sa non-application nous met complètement hors de la sphère malienne, et nous conforte dans notre position de défenseurs d’une cause azawadienne. Si le gouvernement se montre méprisant vis-à-vis de l’accord, les mouvements en prendront acte ».
Le frère d’Alghabass, Atayoub Ag Intallah, président de la société civile de Kidal, s’est également exprimé devant la « mission de bons offices » : outre l’absence d’avancée dans la mise en œuvre de l’accord de paix, il a déploré la dégradation du contexte socio-économique à Kidal, la crise humanitaire et les déplacements de populations liés à l’offensive du groupe État islamique dans le Nord-Est du pays. Il a surtout critiqué l’inaction du gouvernement face à cette situation.
La médiation internationale, conduite par sa cheffe de file, l’Algérie, a répondu en affichant sa détermination à défendre l’accord de paix, et assuré que des échanges étaient en cours avec la partie gouvernementale pour tenter de rétablir le lien. « Nous demandons aux deux parties de se reparler, explique une source diplomatique, et nous cherchons aussi une solution pour relancer la tenue des comités de suivi de l’accord ».
Éviter l’escalade
De quoi rassurer les groupes armés ? « Nous ne disons pas que nous sommes rassurés, explique Attaye Ag Mohamed pour le CSP. Mais nous estimons qu’il y a des efforts en cours, et que notre inquiétude est comprise par la médiation internationale. Maintenant, nous nous efforçons d’éviter toute action d’escalade qui pourrait générer des formes d’hostilité. Notre espoir est que le dialogue s’établisse ».
Sollicité par RFI au sujet de cette visite, le ministère malien de la Réconciliation nationale n’a pas donné suite. Depuis décembre dernier, et la demande de réunion d’urgence formulée par le CSP, les autorités de transition ont rencontré à plusieurs reprise la médiation – deux ministres ont même fait le déplacement à Alger il y a deux semaines pour rencontrer le président Abdelmadjid Tebboune – mais n’ont jamais communiqué officiellement sur le sujet.