Au sortir de la présidentielle 2024, l’INSAF s’est doté, en votre personne, d’un nouveau président. Que représente cet événement pour le parti ?
Sid’Ahmed Mohamed : Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’occasion que vous m’offrez de m’adresser à vos lecteurs et lectrices. Quant à votre question, je répondrai que cette élection vient à point nommé pour consolider les acquis de l’INSAF et relancer son chantier de réformes qui n’a pas pu aboutir, à cause des échéances électorales qui ont tout dernièrement occupé notre pays. Cette élection porte une grande signification politique et va directement dans le sens du discours de son Excellence Monsieur le président de la République prononcé à Ouadane en 2022.
– Dans ses dernières réunions, l’INSAF a indiqué qu’il va entreprendre de profondes réformes. Pourquoi ? Quelles sont les grands moments qui vont en marquer le processus ? Et quelles sont les dispositions déjà prises ou sur le point de l’être pour réussir ce challenge ? Un grand congrès en sera-t-il le couronnement ?
– Comme vous le savez, les instances de notre parti sont élues pour un mandat de cinq ans. Ceci dit, il sera nécessaire de procéder à une nouvelle campagne d’adhésion puis d’implantation des structures locales et enfin d’élection de nos structures nationales. Pour préparer cette transition, le parti lancera une étude visant à identifier toutes les lacunes existantes dans son fonctionnement et à leur trouver des solutions adéquates. Les réformes envisagées concerneront les principes et objectifs du parti, les textes, la méthodologie et la mise en œuvre de l’implantation.
– Lors de la dernière présidentielle, les Mauritaniens ont réélu votre candidat, à savoir Mohamed Cheikh Ghazouani. Comment son directeur de campagne que vous étiez a-t-il accueilli cette victoire ? Quel rôle le parti y a-t-il joué ? Et comment évaluez-vous, globalement, le processus électoral ? Certains candidats estiment qu’il n’a été ni transparent ni crédible.
– J’ai évidemment bien accueilli cette victoire qui démontre l’attachement de la majorité du peuple mauritanien au programme et à la personne de Son Excellence monsieur le Président. Cette victoire n’était pas une surprise car beaucoup de travail a été accompli, au cours du précédent mandat ainsi qu’au cours de la campagne, pour la préparer. L’engouement qui a marqué, malgré les conditions climatiques défavorables, les meetings du candidat dans toutes les étapes du processus était aussi un bon indicateur de réussite. Je pense que le parti a joué pleinement son rôle dans la campagne et qu’il a été d’une grande utilité pour le directoire de celle-ci. Il aura été aussi l’un des affluents majeurs des votants.
Concernant l’évaluation du processus électoral, je pense qu’il s’est globalement déroulé dans de bonnes conditions. Les normes et procédures d’organisation ont été respectées dans l’ensemble des bureaux de vote. La transparence d’une élection se mesure au regard de ses effets et constats et vous savez mieux que moi qu’aucune réclamation ni recours documenté n’ont été adressés aux instances concernées. Ici, la crédibilité est une question de volonté.
– Nombre d’observateurs pensent que le choix du candidat Ghazouani de se présenter en indépendant constituait un désaveu pour le parti. Qu’en pensez-vous ?
– Je ne partage pas cet avis : son choix de se présenter en indépendant a démontré sa volonté d’être un candidat transpartisan et donc consensuel.
– Dans son discours d’investiture, le président réélu est revenu sur les principaux engagements de sa campagne, notamment la lutte contre la corruption, l’ancrage de la démocratie et de l’État de droit, la promotion de la jeunesse… Que pensez-vous de ces thématiques ?
– À mon avis, elles représentent un défi pour le présent et l’avenir de la Mauritanie. Les avoir choisies témoigne d’une bonne perception et connaissance des problèmes de notre pays.
– Toujours dans ce discours, le président de la République a proposé la tenue d’un dialogue politique inclusif. Comment l’INSAF a-t-il accueilli cette offre ? Pourquoi un tel dialogue, diront certains, alors qu’il n’y a ni crise ni tension politique majeures qui pourraient en justifier la tenue ? Le parti ne dispose-t-il pas d’une majorité confortable au Parlement ?
– En principe, le dialogue est une bonne pratique et un outil démocratique très important permettant de régler les différends et ne devrait donc être refusé par personne. Nous, au parti INSAF, nous sommes prêts à prendre part à toutes les initiatives visant à renforcer la démocratie ou à apaiser le climat politique.
– À quoi pourrait servir le dialogue en gestation et quels sont, selon vous, les thèmes à débattre ? À votre avis, quelles dispositions faudrait-il prendre pour en éviter l’échec ? On se rappelle qu’un tel projet avait avorté en 2023, à la veille de l’ouverture de ses travaux. Quelle sera la contribution de l’INSAF à cette future rencontre ?
– Ce dialogue est prévu dans le Programme électoral de Son Excellence le président de la République, sous le titre global : « un État de droit solide et une gouvernance rénovée, un dialogue vaste et inclusif pour repenser notre modèle démocratique ». C’est, pour la classe politique, une offre normalement alléchante qui fait partie intégrante des engagements solennellement pris par le président de la République. C’est surtout une opportunité extraordinaire pour la Nation : comme l’a affirmé le Premier ministre dans sa DPG, le dialogue en vue de l’apaisement est un prérequis pour le développement du pays. Il appartient à la Majorité et à l’Opposition, chacune en ce qui la concerne, de le préparer dans un esprit d’ouverture et de bonne foi, en tirant les leçons des ratés des tentatives précédentes. Je suis confiant et optimiste pour cette démarche patriotique.
– Après sa nomination, le Premier ministre Moctar ould Diaye a présenté sa déclaration de politique générale au Parlement qui l’a approuvée dans la foulée. Comment l’appréciez-vous ? Avez-vous le sentiment qu’elle va permettre de mettre en œuvre les engagements du président de la République ? Quel rôle entend jouer l’INSAF dans la matérialisation des promesses de celui-ci, présentées dans son programme « Mon ambition pour la Patrie » ?
– Oui, je ne peux qu’apprécier hautement la déclaration de politique générale du gouvernement qui résumait les grandes lignes du programme « Mon ambition pour la Patrie » de Son Excellence le président de la République. L’INSAF a mobilisé son groupe parlementaire et ceux du reste de la Majorité afin que ladite déclaration soit approuvée. Oui, je pense également et espère bien que cette jeune équipe gouvernementale pourra mettre en œuvre les engagements de Son Excellence.
– Le président de la République a dédié son second et dernier quinquennat à la jeunesse. Un département ministériel est réservé à celle-ci dans le nouveau gouvernement. Qu’est-ce qui justifie ce geste à l’endroit de la jeunesse mauritanienne ? Était-elle oubliée des premiers Taahoudati ?
– Comme je le disais tantôt, la jeunesse est un des défis majeurs de la Mauritanie. Le programme Taahoudati lui a réservé une place importante à travers l’initiation et la mise en œuvre de plusieurs projets à son profit, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’enseignement supérieur, du sport et des loisirs. Ce geste entend donc compléter et renforcer ce qui a déjà été fait.
– Ledit département s’occupe de la promotion et de l’autonomisation de la jeunesse. Que recouvrent ces vocables ?
– Le troisième levier du programme présidentiel s’intitule : « Développement du capital humain, en particulier la jeunesse, fer de lance de la Mauritanie de demain ». La vision du Président qui constitue le fondement de la stratégie nationale de la Jeunesse 2024-2030 est « de faire en sorte que tous les jeunes possèdent les opportunités et les capacités d’assurer leur bien -être, soient actifs dans la vie publique et soutenus par un secteur professionnel de la jeunesse et des institutions transversales inclusives ». Tout est dit et notamment le rôle du Département en tant que structure de soutien pour l’éducation, la formation qualifiante à l’employabilité et l’accès aux ressources dans les secteurs économiques. Cela fait d’ailleurs déjà deux semaines, notez-le bien, qu’un programme d’insertion des jeunes dans l’agriculture a été lancé par le gouvernement.
– Dans le cadre de son programme « Mon ambition pour la Patrie », le président de la République a dit, à Djéol, « les aspirations à la différence ou à la singularité ne doivent pas nous empêcher de consolider notre pacte national et de chercher à bâtir une société égalitaire, respectueuse de sa diversité et capable de maintenir son harmonie et sa cohésion ». L’INSAF en fait-il sa préoccupation majeure ? Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour régler certaines questions comme le passif humanitaire, l’esclavage et ses séquelles, et consolider l’unité nationale, devenue comme une arlésienne ? On ne cesse d’en parler mais les actes forts ne suivent que très peu…
– Dans le cadre de la stratégie 2024-2028 de promotion et de protection des droits de l’Homme, le président de la République envisage un traitement systémique et donc global de la question des inégalités. Il s’agit de garantir la dignité totale de tous les citoyens, indépendamment de leur race, sexe ou origine sociale. L’approche égalitaire et citoyenne a été instaurée et consolidée lors du premier mandat. L’Assemblée nationale vient d’adopter une loi portant fondation d’un tribunal spécialisé dans la lutte contre l’esclavage, les crimes et délits connexes ou assimilés.
– La lutte contre la corruption est un des piliers des engagements du président de la République. Comment avez-vous accueilli les premières mesures du gouvernement en ce sens ? Que lui conseillerez-vous pour rassurer les nombreux sceptiques qui croient déjà que la croisade n’ira pas jusqu’au bout ?
– La lutte contre la corruption constitue le second objectif majeur annoncé par le Président dans son programme « Mon ambition pour la Patrie ». Une Agence nationale dédiée à ce combat vital pour le développement sera fondée et les structures prévues par la Stratégie nationale de lutte contre la corruption ont été mises en place par décret dès la seconde réunion du gouvernement. On sent déjà, dans ces prémices, une série d’actions visant à endiguer, puis éradiquer, les pratiques fautives en matière de gestion des biens et deniers publics. J’invite ici toutes les parties prenantes à persévérer sans relâche dans la voie salutaire de la bonne gouvernance, conformément à l’annonce d’une lutte contre la corruption annoncée par le président de la République Mohamed ould Cheikh El Ghazouani dans son programme.
– La Mauritanie s’apprête à exploiter le pétrole et le gaz. Cette exploitation a suscité un grand espoir pour les Mauritaniens qui espèrent voir s’améliorer leurs conditions de vie. Mais ils n’en craignent pas moins de voir les profits leur passer sous le nez, comme ce fut le cas avec le fer, le poisson et l’or. Que leur dites-vous ?
– La Mauritanie intègre déjà le Club des pays producteurs de gaz avec l’imminence de son exportation à partir du champ Grand Tortue/Ahmeïm (GTA) entré dans la première de ses trois phases. À plus d’un titre, c’est également un tournant dans la diversification et l’élargissement de la base de production du pays. Avec une montée en charge graduelle, cela change sa donne économique grâce aux ressources financières – en devises – générées par l’exportation, en plus des autres effets bénéfiques du « contenu local » périphérique. Et il y a d’autres perspectives : à cet égard, l’identification de partenaires pour le très grand champ, entièrement mauritanien, de Birallah progressent bien.
À moyen et long termes, notre pays sera donc une puissance énergétique importante. Si l’on y ajoute les potentialités de l’hydrogène vert, on sera dans le groupe des puissances de classe internationale. Il nous appartient à tous, gouvernement mais aussi Société civile et partis politiques, de veiller sur les pratiques de bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, pour assurer la transparence rigoureuse dans la gestion de ces ressources salvatrices pour toute notre Nation.
– À votre avis, notre pays ne devrait-il pas demander la révision des accords avec les firmes internationales afin de tirer plus de bénéfices de ses ressources ?
– L’attractivité pour les investisseurs dans les domaines miniers et énergiques commande la prudence et la stabilité du cadre juridique mais n’exclut pas les discussions sur les aménagements pertinents et mutuellement convenus. Il faut veiller, de façon prioritaire, à ne pas se faire flouer dans le cadre conventionnel ayant cours légal. Nous avons bien renégocié des réaménagements de ce cadre conventionnel dans le secteur minier, avec une augmentation substantielle des royalties. Dans d’autres secteurs, les partenariats sont triangulaires.
– Depuis quelques jours la corruption et le trafic de drogue suscitent un vif débat sur les réseaux sociaux. Comment avez-vous accueilli la décision du Parquet d’ouvrir une enquête pour tirer au clair ces rumeurs ?
– J’éviterai de faire des commentaires sur des affaires pendantes devant la justice en laquelle nous devons tous faire confiance. Sur la lutte contre la corruption, je me suis déjà prononcé en réponse à la question qui lui était spécifique. Quant à la lutte contre les stupéfiants et autres substances psychotropes, c’est une constante de l’action de nos services spécialisés. Nous y accomplissons des progrès significatifs.
Propos recueillis par Dalay Lam