Mondafrique – Au nom de l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E) qui représente les descendants d’esclaves arabisés, Hanoune Diko, un combattant de longue date et un ami de Mondafrique qu’il a toujours soutenu de ses conseils et de ses écrits, a exposé ce week-end à Genève la plate forme des principales revendications d’une communauté, la sienne, qui est désormais majoritaire dans son pays mais totalement oubliée sur le plan institutionnel.
Monsieur le Président,
Chers invités,
L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E) attire l’attention sur la discrimination qui frappe la communauté haratine dans l’accès à un travail décent. Les victimes de l’esclavage, une fois sortis du joug de leurs maîtres d’esclaves, sont abandonnées à eux-mêmes, sans qualification. L’Etat ne forme pas les Haratine aux métiers qui leur permettent de s’insérer sur le marché du travail.
Les Haratine qui souhaitent entreprendre ne bénéficient pas de crédits auprès des banques publiques ou privées. L’économie du pays, les organismes financiers, les entreprises publiques et privées, l’appareil sécuritaire, le pouvoir exécutif et législatif étant sous le contrôle de l’élite arabo-berbère.
Les Haratine endurent l’esclavage arabo-berbère depuis plusieurs siècles. Les ethnies, arabe, berbère, haalpoular, soninké et wolof sont reconnues dans la constitution du 20 juillet 1991. Le groupe haratine revendique légitimement les mêmes droits en la matière.
Les castes existent au sein de toutes les ethnies mauritaniennes à savoir arabe, berbère, haalpoular, soninké et wolof. Prenons l’exemple des Maures (arabes et berbères), il y a des castes discriminés que sont les griots (igawin) dont la fonction réside dans les louanges et la musique au profit des castes supérieures, les forgerons (lim-allimin) qui fabriquent des objets utiles pour la société, et enfin les Haratine, esclaves au service des maîtres maures.
Les ethnies négro-mauritaniennes recèlent les mêmes structures sociales et sont aussi victimes de discriminations sociales et politiques. Les derniers dans la hiérarchie des castes sont les Maccubé, esclaves des Haalpoular ; les Komo, esclaves chez les Soninkés ; et les Diam, esclaves chez les Wolofs.
L’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (A.H.M.E.) demande à l’Etat mauritanien de :
1- Reconnaître la communauté haratine dans la Constitution de la République islamique de Mauritanie, ainsi que leur langue, le Hassania. De nos jours, l’arabisation de la société mauritanienne tend à faire disparaître le dialecte hassania, seule langue que maîtrisent les Haratine ;
2- Renforcer la loi 0031-2015 qui incrimine l’esclavage par des mesures d’accompagnement : création d’une brigade mixte chargée d’accompagner les abolitionnistes dans leurs missions pour libérer des esclaves sur l’ensemble du territoire mauritanien ;
3- Garantir la continuité des litiges liés à l’esclavage devant les tribunaux, malgré les pressions éventuelles exercées par les esclavagistes, et veiller particulièrement à l’impartialité du système judiciaire ;
4- Créer des structures d’accueil pour les victimes, financées et gérées par l’Etat. Au sortir de l’esclavage, ces dernières sont démunies et nécessitent une prise en charge globale. Aussi, des centres professionnels de formation pour assurer l’intégration effective des Haratine dans la société mauritanienne ;
5- Construire des écoles, des forages d’eau, des centres de santé et des coopératives financés par l’Etat, afin d’offrir aux Haratine issus des Adwaba, des campements maures et des bidonvilles, la possibilité de mener une vie décente ;
6- Instaurer un système de discrimination positive en faveur des Haratine pour faciliter leur intégration dans les secteurs public et privé, leur permettant ainsi de rattraper leur retard par rapport aux autres ethnies ;
7- Faire de l’Etat mauritanien, une République juste, égalitaire et indivisible, favorisant le partage équitable du pouvoir et des richesses au bénéfice de toutes les composantes de la société mauritanienne ;
8- Garantir l’effectivité de la scolarisation de tous les jeunes de 3 à 16 ans, ainsi que la participation à un service militaire à partir de l’âge de 18 ans, offrant ainsi des opportunités professionnelles pour l’avenir ;
9- Intégrer dans les manuels scolaires l’esclavage et le racisme comme crimes contre l’humanité, et rendre leur enseignement obligatoire ;
10- Reconnaître juridiquement et politiquement les acteurs sociaux, les partis et mouvements politiques, les syndicats et associations qui œuvrent pour améliorer les conditions de vie des citoyens ;
11- Créer une assurance maladie et un revenu minimum à l’ensemble des citoyens mauritaniens afin d’assurer un niveau de vie qui leur permettrait de couvrir leurs besoins vitaux.
12- Inclure équitablement les Haratine dans le processus d’enrôlement en s’assurant que tous les membres de la communauté, y compris les Adwaba insoumis, en bénéficient afin d’éviter qu’ils ne deviennent apatrides dans leur propre pays. L’absence de pièces d’identité rend impossible l’accès des enfants haratine à l’éducation.
13- Cesser l’expropriation des terres cultivées par les habitants des Adwaba.
Traditionnellement, ces derniers sont destinés à la production agricole au profit des maîtres d’esclaves qui s’approprient une part significative de la production annuelle. Les faits nouveaux montrent que les maîtres vendent les terres au plus offrant, souvent des habitants du Moyen-Orient, ou les transforment en exploitations agricoles modernes. Cette situation conduit à la dépossession des Haratine, qui perdent ainsi les terres qu’ils ont toujours cultivées, constituant leurs seules sources de revenus.
Les Haratine, en raison de leur identité culturelle, sociale, politique et économique sont discriminés sur le travail et l’ascendance, statut stigmatisant et dégradant qui touche de nombreuses autres communautés à travers le monde. Il est donc impératif d’agir de manière concertée et immédiate pour faire face aux défis complexes auxquels font face les Haratine. Les recommandations émises visent à éliminer les obstacles qui entravent leur accès aux droits fondamentaux et leur participation pleine et entière à la vie sociale et économique de la Mauritanie.
Nos remerciements.
Site internet : www.haratine.com
Blog : http://haratine.blogspot.com/
Adresses de contact : mohamed.cire@wanadoo.fr / diko12003@gmail.com
Genève du 27 novembre au 01 décembre 2023