Hamedine Kane – Il est rare qu’un Président de la République et son Premier Ministre étalent publiquement et solennellement les carences de l’Administration Publique devant l’opinion nationale en soulignant ses effets néfastes sur les usagers des services publics.
Ces genres de critiques se font habituellement, en interne, au cours des sessions du Conseil des ministres et visent à sensibiliser les membres du gouvernement concernés par les dysfonctionnements mis en cause dans leurs départements.
Mais en décidant de prononcer son discours très critique sur les mauvaises prestations de notre administration au sein d’un lieu symbolique comme celui du palais des congrès de Nouakchott, qui peut regrouper un grand nombre de responsables publics, de fonctionnaires et d’associations de la société civile, le Président laisse entrevoir, au grand jour, son agacement devant la carence permanente de certains de nos services publics centraux et régionaux.
Nos citoyens ne font plus confiance à l’Administration pour l’accomplissement de certains de leurs services de base et préfèrent, en désespoir de cause, faire remonter leurs problèmes jusque à la Présidence de la république.
Ce discours qui est fait à l’occasion de la sortie d’une promotion de l’ENAJM est très clair et passe en revue, comme le ferait un auditeur bien averti des dysfonctionnements de l’Administration publique, comporte de véritables enseignements sur le mauvais comportement des dirigeants de certains services publics et opérateurs économiques vis-à-vis de nos citoyens.
Il est temps pourtant de s’interroger sur les causes réelles de cette mauvaise performance qui persiste encore dans nos services publics ?
Si on examine le problème au niveau de l’administration centrale, le principal responsable des carences, constatées dans certains ministères, sont imputables aux véritables dépositaires des pouvoirs de conception, d’organisation et de gestion des affaires publiques au sein des départements.
En consultant l’organigramme de chaque ministère on se rend vite compte que les principaux rouages centraux au sein des départements sont des hauts fonctionnaires couramment appelés secrétaires généraux. Ces hauts fonctionnaires qui sont investis de toutes les prérogatives d’organisation et de gestion administrative et financière sont chargés de l’exécution des instructions des Ministres et de l’animation des services publics.
Pourquoi alors ne s’attaque-t-on pas aux véritables responsables des carences que sont ces hauts fonctionnaires par l’intermédiaire desquels toutes les affaires passent et sortent après examen des Ministres.
Ces hauts cadres qui ne bougent pas de leurs postes ou s’ils bougent c’est par permutation dans un autre département, sont les véritables responsables des goulots d’étranglement au sein de notre administration. Souvent on dit, métaphoriquement, qu’il est plus facile de procéder à un remaniement ministériel que de remaniement des secrétaires généraux. Ces hauts fonctionnaires jouissent d’une protection inexplicable alors qu’ils sont en réalité les véritables causes de blocage dans l’administration.
Il suffit pourtant, à titre d’exemple, de rendre visite à un ministère pour une affaire vous concernant ; la première chose qui vous frappe est l’absence injustifiée de la personne chargée de votre dossier.
L’absence d’un service d’accueil vous expose, par surcroit, à un errement sans fin entre les couloirs des services où souvent certains agents appelés plantons, bien habillés, comparables à des dirigeants, vous harcèlent par des propos peu courtois. Voilà pourtant l’image regrettable qui s’offre aux usagers de notre administration lorsqu’ils sollicitent un service de base élémentaire et dont le Président a si bien défendu la cause dans son discours qui a marqué l’opinion par sa clarté et son objectivité.
Pour mettre fin à la pérennisation des secrétaires généraux ministériels dans leurs fonctions ne faudrait-il pas soumettre leur recrutement à une procédure d’appel à candidature avec une limitation de mandat ne dépassant pas une certaine période ?
Hamedine Kane
Ancien Contrôleur d’Etat