Un véritable séisme a secoué le secteur de la santé en Mauritanie ce mardi 4 mars 2025 avec la démission du Professeur Moustapha Mohamedou Mounah, directeur général de l’Institut National d’Hépato-Virologie (INHV) de Nouakchott. Dans une lettre ouverte largement relayée sur les réseaux sociaux, il dénonce une situation critique marquée par une absence de moyens et un désintérêt des autorités compétentes.
Dans sa lettre de démission, le Pr Mounah dresse un tableau sombre du fonctionnement de l’INHV. Selon lui, l’établissement, dont la mission est de lutter contre l’hépatite virale B, une maladie qui touche près de 500 000 Mauritaniens, est au bord du gouffre. L’arrêt de la quasi-totalité des services, le manque criant de matériel, l’insuffisance des stocks de médicaments et la surcharge du personnel médical ont conduit à une dégradation inquiétante de la qualité des soins.
Le professeur souligne que les retards de paiement des salaires du personnel de l’INHV sont récurrents, accentuant la précarité des soignants et affectant leur motivation. Il pointe également du doigt la réduction de la subvention de l’État, qui a notamment impacté l’achat des réactifs de laboratoire essentiels au diagnostic et à la prévention des hépatites.
Depuis la création de l’INHV en 2014, plusieurs initiatives ont été prises pour lutter contre l’hépatite B en Mauritanie, mais sans réelle mise en œuvre. En 2018, la Société Mauritanienne des Maladies de l’Appareil Digestif (SOMMAD) avait développé des recommandations claires pour combattre cette pathologie, restées malheureusement lettre morte.
En 2022, l’INHV avait mis en place deux unités pilotes de dépistage et de vaccination à Nouakchott, fermées aujourd’hui faute de moyens. Trois missions de dépistage ont également été menées à l’intérieur du pays, révélant une prévalence très élevée, notamment dans la région du Hodh Chargui (15%). Pourtant, aucune mesure concrète n’a été prise pour poursuivre ces actions essentielles.
Dans un effort pour améliorer la situation, l’INHV avait noué des partenariats avec plusieurs institutions internationales telles que l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP) et l’Institut de Santé Publique (ICAP) de Columbia University. Un programme ambitieux d’éradication de l’hépatite B avant 2030 était en discussion depuis 2019, mais faute d’une participation financière de la Mauritanie (évaluée à 100 000 dollars), il n’a jamais vu le jour.
De même, un partenariat prometteur avec un centre de recherche espagnol sur l’immunothérapie du cancer du foie a été abandonné faute d’une contribution de seulement 25 000 euros de la part du gouvernement mauritanien.
Le Pr Mounah met en avant l’urgence d’une mobilisation forte et d’un véritable leadership pour faire face à cette crise sanitaire. Il rappelle que l’hépatite B est un problème majeur de santé publique en Mauritanie et que le taux de prévalence, atteignant 15% dans certaines régions, est l’un des plus élevés au monde.
Sa démission est un signal d’alarme lancé aux autorités mauritaniennes afin qu’elles prennent enfin la pleine mesure de cette situation dramatique et agissent en conséquence. Pour l’heure, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée face à cette démission qui met en lumière les carences d’un système de santé en grande souffrance.
Mohamed BNEIJARA