Nouakchott, 16 juin 2025 – Depuis plusieurs années, la scène culturelle mauritanienne est le théâtre d’une contradiction frappante : d’un côté, une multiplication de rencontres, de cérémonies d’ouverture et de conférences sur la culture ; de l’autre, une absence criante d’actions concrètes, de soutien structuré et de vision stratégique pour faire de la culture un véritable levier de développement.

Les festivals ponctuels, les colloques médiatisés et les cérémonies d’inauguration deviennent parfois des vitrines vides. Ils consomment des budgets publics sans laisser de traces durables ni d’impact réel sur les artistes, les créateurs et les communautés locales. En somme, la culture semble instrumentalisée à des fins de communication politique, au détriment de sa mission de transmission, d’éducation et de développement économique.

La Mauritanie est pourtant un pays à l’héritage culturel immense. Des traditions orales du désert aux chants pulaar, soninké et wolof, en passant par la poésie hassanya, l’artisanat, le patrimoine architectural des ksour (Chinguetti, Ouadane, Tichitt…), ou encore les pratiques culinaires régionales : tout concourt à faire de la culture mauritanienne un bien commun précieux, diversifié et porteur d’identité.

Pourtant, ces richesses sont peu mises en valeur. Beaucoup de bibliothèques anciennes tombent en ruine. Les maisons de jeunes manquent d’équipements et de personnel. Les artistes plasticiens, musiciens, écrivains ou comédiens peinent à vivre de leur art. La culture, au lieu d’être un moteur de cohésion sociale et d’innovation, devient marginalisée.

Le déficit d’investissement dans les infrastructures culturelles est manifeste. Le pays ne compte qu’un nombre très limité de centres culturels fonctionnels. Le soutien aux industries culturelles est quasi inexistant. Il n’existe pas de fonds national pérenne pour la création artistique, ni de politique fiscale incitative pour encourager le mécénat ou l’investissement privé dans le secteur.

Les politiques publiques culturelles souffrent d’un manque de vision à long terme, d’une faible coordination entre les institutions, et de peu de concertation avec les acteurs de terrain (associations culturelles, artistes, jeunes entrepreneurs créatifs).

Promouvoir la culture ne peut pas se limiter à des évènements de prestige. Il faut repenser l’approche et bâtir une véritable politique culturelle fondée sur plusieurs piliers : un financement structurant et transparent, par exemple à travers un Fonds National pour la Culture, géré de manière indépendante, avec des appels à projets compétitifs ; l’éducation artistique et culturelle, avec l’intégration de l’enseignement des arts dans les écoles et le soutien aux académies régionales ; l’accès à la culture pour tous, à travers la réhabilitation des centres culturels, les bibliothèques mobiles ou les tournées artistiques dans les zones rurales.

Il faut également soutenir l’entrepreneuriat culturel, notamment en accompagnant les jeunes créateurs dans les domaines du cinéma, de la musique, du design ou du numérique. L’économie créative est un secteur d’avenir. La préservation et la valorisation du patrimoine doivent être renforcées : protection des sites, numérisation des manuscrits anciens, et implication des communautés dans la mise en valeur du patrimoine local.

Les collectivités locales, les partenaires internationaux, les ambassades, le secteur privé, les ONG et la société civile doivent tous être impliqués. La culture est une responsabilité collective. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour une société équilibrée, éduquée et unie.

En refusant de réduire la culture à une simple façade événementielle, la Mauritanie peut construire une politique culturelle audacieuse, inclusive et moderne, à l’image de ses aspirations de développement. Ce n’est qu’à ce prix que la culture pourra redevenir une force vivante, qui inspire, rassemble et transforme.

Mohamed BNEIJARA

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