La Mauritanie, pays sahélien souvent considéré en marge des grandes dynamiques industrielles mondiales, est aujourd’hui au cœur d’une révolution énergétique silencieuse mais stratégique : celle de l’hydrogène vert. Forte d’un potentiel éolien et solaire exceptionnel estimé à plus de 400 gigawatts, elle ambitionne de devenir un acteur majeur dans l’approvisionnement mondial en énergie propre, en particulier pour les marchés européens en quête de décarbonation.

Depuis 2022, plusieurs projets de très grande envergure ont été lancés. Le projet AMAN, porté par CWP Global, prévoit la mobilisation de 30 GW de capacité renouvelable pour produire jusqu’à 10 millions de tonnes d’ammoniac vert par an, sur une surface de 8 500 km². Chariot et TotalEnergies mènent le projet Nour, avec une première phase de 3 GW d’électrolyse et une montée en puissance prévue jusqu’à 10 GW. Début 2025, GreenGo Energy a signé un accord avec le gouvernement mauritanien pour développer le projet Megaton Moon, qui ambitionne de produire 1,5 million de tonnes d’ammoniac vert par an grâce à une capacité combinée de 19 GW d’énergies renouvelables.

Faits & chiffres – L’hydrogène vert en Mauritanie •          Potentiel solaire & éolien : plus de 400 GW •          Superficie disponible pour projets : plus de 30 000 km² •            Investissements annoncés (2022–2025) : plus de 80 milliards USD •          Production potentielle : jusqu’à 2 millions de tonnes d’hydrogène/an ou 10 millions de tonnes d’ammoniacProjets clés en cours •          AMAN (CWP Global) : 30 GW, 1,7 Mt H₂ ou 10 Mt ammoniac/an, 40 Mds USD – temporairement suspendu •          Nour (Chariot–TotalEnergies) : 10 GW d’électrolyse, 150 000 t/an (phase 1) •          Megaton Moon (GreenGo Energy) : 6 GW électrolyse + 13 GW renouvelable, 1,5 Mt ammoniac/an – phase 1 en 2029Cadre réglementaire •          Code de l’hydrogène vert (2024) •          Exonérations fiscales (TVA, douanes, IS) •          Création de l’Agence Mauritanienne de l’Hydrogène Vert (AMHV)Partenaires stratégiques •            TotalEnergies, Chariot, GreenGo Energy, CWP Global •          ArcelorMittal : 2,5 Mt/an d’acier vert •          Union Européenne via Global Gateway et Hydrogen Bank

Pour accompagner cette dynamique, le gouvernement a adopté en septembre 2024 un Code de l’hydrogène vert, premier en son genre sur le continent africain. Ce cadre législatif prévoit des avantages fiscaux attractifs pour les investisseurs, notamment une exonération de TVA, des droits de douane réduits et un taux d’imposition allégé. Il introduit également la création d’une agence dédiée, l’Agence Mauritanienne de l’Hydrogène Vert (AMHV), chargée de piloter le secteur, de garantir la transparence et de faciliter les partenariats public-privé. Le Code permet en outre la mise en place d’infrastructures de dessalement nécessaires au processus d’électrolyse, tout en assurant une gestion intégrée des ressources en eau.

Ces projets attirent l’attention des grandes entreprises mondiales de l’énergie, mais aussi des institutions internationales comme l’Union Européenne, qui soutient activement le développement de corridors d’exportation d’hydrogène vert dans le cadre de son initiative Global Gateway. Des accords ont également été conclus avec ArcelorMittal pour développer une filière d’acier vert à base d’hydrogène produit localement, dans une logique de valeur ajoutée industrielle.

Toutefois, les défis restent nombreux. Le manque d’infrastructures logistiques, les incertitudes sur la demande mondiale à court terme, et la nécessité d’intégrer les communautés locales dans la chaîne de valeur posent des questions cruciales sur la faisabilité et la durabilité de ces ambitions. Le projet AMAN, par exemple, a récemment été suspendu temporairement par CWP Global, faute d’engagements d’achat suffisants à ce stade.

Malgré cela, la Mauritanie conserve une position stratégique et un avantage comparatif indéniable. L’hydrogène vert représente pour le pays une opportunité historique de diversification économique, de création d’emplois qualifiés, de renforcement de la souveraineté énergétique et d’amélioration de son positionnement géopolitique. Selon les estimations de certains analystes, le secteur pourrait contribuer à une augmentation de plus de 50 % du PIB national d’ici 2035.

Le chemin reste semé d’embûches, mais la vision est claire : faire de la Mauritanie un pilier de l’économie verte du XXIe siècle, au carrefour de l’Afrique et de l’Europe. Dans cette transition énergétique mondiale, elle ne veut pas rester en marge, mais devenir un moteur.

Mohamed BNEIJARA

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