Le Guidimakha est une région polyethnique ou sont représentées toutes les composantes ethniques de la Mauritanie, force est de souligner que l’unité nationale, béton d’une nation a été fortement souillée, du fait des agissements ethnocentristes en lien avec les divers partis politiques qui se sont succédés les uns après les autres.
En effet, de 1950 à 1960, le Parti du Peuple Mauritanien (PPM) s’est scindé en deux tendances politiques rivales : celles de Diaremouna SOUMARE majoritairement composée de Soninke et Yahya KANE constituée de Haalpular. Cet antagonisme politique sur fonds de l’ethnocentrisme perdure jusqu’à nos jours et a éveillé des heurts entre Halpulaar et Soninké qui autrefois vivaient dans la quiétude. A cette époque, les Maures qui n’étaient pas fortement représentées dans la région s’alignaient, tantôt avec les Soninke, tantôt avec les Halpulaar.
Mais l’anéantissement des moyens d’existence de la communauté culturelle Maure par les séquelles des sécheresses successives étendit le nomadisme, qui n’est rien d’autre qu’une stratégie de survie en réponse aux effets des changements climatiques. Depuis l’on assista à une forte migration de cette communauté à la recherche d’une vie meilleure, grâce aux potentialités hydro-agro-pastorales qu’offre le Guidimakha. La décapitation de leur cheptel accelera le nomadisme et la transhumance en direction des pays limitrophes, puis leur sédentarisation.
Mais les événements de 1989 ont entrainé des télescopages douloureux entre Maures et Haalpular qui ont sérieusement bouleversé le vivre ensemble et les Soninke furent utilisés comme contrepoids contre la communauté Haalpular.
Les « vents de l’Est survenus en 1991 ont permis l’émergence du multipartisme et ont basculé les populations dans l’opposition sous l’égide de l’Union des Forces pour la Démocratie (UFD).
En 2019, l’investiture du Président Gazawani au pouvoir, malgré son insistance sur la cohésion et la paix sociales (Cf Les Engagements) a, à son tour embrouillé la cohabitation intercommunautaire, du fait de plusieurs événements d’ordre externe et interne : externes, du fait de la pandémie de la COVID-19, la guerre d’Ukraine, à la base de la montée des prix de denrées alimentaires de première nécessité dans un contexte de la faiblesse du pouvoir d’achat et de l’accentuation de l’appauvrissement des populations ; interne : la controverse politique répétitive, le chômage et le sous emploi des jeunes désespérés, l’éternelle reforme du système éducatif, les difficultés d’accès à l’état civil, à l’eau et à l’énergie électrique ont causé une frustration et une aspiration des populations au changement.
N’est-ce pas révoltant que les populations de Nouakchott, à plus de 600 KM du fleuve aient accès à l’eau et à l’énergie électrique, tandis que celles du Guidimakha les plus proches du fleuve vivent dans la soif et dans les ténèbres ? N’est-ce pas encore âpre que les cultures irriguées soient développées dans certaines régions, alors que le Guidimakha « Grenier de la Mauritanie », la région la plus pluvieuse et composée essentiellement de paysans en soit privé dans un contexte ou l’on ne cesse de nous parler du consommé local ou encore de la sécurité alimentaire… ???
Les jeunes désespérés abandonnèrent leur terroir d’origine à la recherche d’emplois, mais le vérouillement des frontières européennes les empêcha d’arriver à destination et en réponse, ils s’adonnèrent à l’émigration clandestine qui entraina la mort de plusieurs jeunes de la région dans la mer et dans le désert.
Malgré la promulgation de la loi fustigeant et condamnant l’esclavage, le fléau persiste au Guidimakha avec la complicité des autorités administratives, judiciaires et sécuritaires, lesquelles appuyaient plutôt les chefferies traditionnelles et religieuses confinées dans les traditions séculaires soutenant une organisation sociale fondée sur une hiérarchisation légitimant l’inégalitarisme entre groupes communautaires de statut social différent. Ceci a profondément affecté les relations intracommunautaires et a conduit à un manque de confiance aux autorités et des affrontements dans plusieurs localités Soninke.
Ce sont là autant de facteurs qui ont éveillé le désir des populations d’aspirer au changement politique auxquel les dinosaures politiques se sont opposés pour s’éterniser dans leur zone de confort. Ils ont également été à la base de la défaite du Parti INSAF aux élections municipale, départementale et régionale de mai 2023, à l’échelle de plusieurs communes, telles que : Bouanze, Boully, Dafort, Sélibaby … qui produirent des tensions et conflits entre les communautés culturelles et les groupes sociaux de statut social différant mettant ainsi en péril la cohésion et la paix sociales, tant désirée par son Excellence, le Président de la République.
Le temps n’est-il pas donc venu de revisiter « Mes Engagements » si nous aspirons à une démocratie véritable et durable ???
Mohamed Moustapha
NB : Nous publierons une série d’articles sur la région pour édifier l’opinion sur les enseignements tirés de ces élections.