La situation pastorale en Mauritanie devient de plus en plus préoccupante à l’approche de la saison des pluies. Le dernier bulletin de surveillance publié par Action contre la Faim pour la période avril-mai 2025 révèle une dégradation progressive des conditions d’élevage, marquée par la diminution des pâturages, la raréfaction des ressources en eau et la recrudescence des feux de brousse. Les zones agropastorales du Brakna, du Gorgol, du Guidimakha et du Hodh Chargui sont particulièrement touchées, avec des déficits critiques en couverture végétale dans certaines zones stratégiques. Au Hodh Chargui, plus de 600 km² ont été ravagés par les feux, principalement dans la moughataa de Bassiknou.

Cette dégradation des ressources naturelles accentue la pression sur les infrastructures pastorales, notamment les puits et les forages, alors que les eaux de surface sont presque totalement asséchées. La situation est d’autant plus tendue dans les localités frontalières, où l’arrivée continue de réfugiés maliens accompagnés de leurs troupeaux accentue la concurrence pour les ressources pastorales et les services de base. À Vassala, Adelbagrou, Gneïba et Bouglegale, la présence de ces nouveaux arrivants est désormais une réalité quotidienne.

Malgré la tension sur les ressources, l’état corporel du cheptel reste globalement passable. Toutefois, des cas de maladies animales ont été signalés dans plusieurs zones : botulisme au Brakna, peste des petits ruminants au Gorgol, et parasitoses dans le Hodh Chargui. Les mouvements de troupeaux se multiplient vers les zones du sud mieux pourvues, en particulier vers la vallée du fleuve. La transhumance, bien que naturelle en cette période, reste entravée par l’insécurité persistante à la frontière malienne, qui complique les déplacements vers certaines zones.

La conjoncture économique est également difficile pour les ménages pastoraux. À l’approche de la fête de Tabaski, la demande en petits ruminants fait grimper les prix : +6 % pour les caprins au Hodh Chargui, +7 % pour les ovins au Guidimakha. Le pouvoir d’achat des éleveurs, mesuré par les termes de l’échange caprin contre sorgho, reste défavorable au Brakna, au Gorgol et au Guidimakha. Parallèlement, les prix des denrées alimentaires comme le mil, le sorgho et le riz affichent une tendance haussière dans la majorité des wilayas.

Face à cette situation, des actions d’appui ont été menées. Le projet Net Aïchou a distribué de l’aliment de bétail à plus de 290 ménages vulnérables, installé deux magasins de stockage et organisé une foire de déstockage à Vassala. Des campagnes de vaccination ont été conduites au Guidimakha et au Hodh Chargui, en complément des campagnes de marquage électronique du bétail. Malgré ces efforts, des pénuries d’aliment de bétail sont signalées dans plusieurs zones, notamment à Gneïba, El Messghoule et dans la zone du Lac Aleg.

Le bulletin appelle à un renforcement des dispositifs d’alerte et d’assistance, notamment par une meilleure disponibilité de l’aliment de bétail à prix subventionné, une intensification des actions de sensibilisation sur la gestion des ressources naturelles, et un appui renforcé aux services vétérinaires. Il recommande également de valoriser la culture fourragère, de renforcer la chaîne de valeur laitière et de favoriser l’accès équitable aux ressources pour prévenir les conflits et renforcer la résilience des communautés pastorales.

Mohamed BNEIJARA

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