Une étude approfondie sur la corruption en Mauritanie, récemment publiée par l’Association de Veille Citoyenne (AVEC), met en lumière un fléau devenu structurel et endémique au sein des institutions publiques. Le document, fruit d’un travail rigoureux de documentation et d’analyse croisée, dresse un constat alarmant : la corruption, loin d’être marginale, est désormais ancrée dans les rouages de l’administration, des marchés publics, de la justice, des secteurs sociaux et de l’exploitation des ressources naturelles.
Le rapport montre que malgré l’existence de lois relativement robustes, notamment la loi n°2016-014 sur la lutte contre la corruption et d’autres textes encadrant les finances publiques et les marchés, l’application reste faible, souvent freinée par une absence de volonté politique, l’ingérence du pouvoir exécutif, le manque de moyens et une culture d’impunité. Les institutions de contrôle, telles que la Cour des comptes ou l’Inspection générale d’État, sont régulièrement contournées ou fragilisées.
Les conséquences de cette corruption généralisée sont profondes. Sur le plan économique, elle décourage l’investissement, fausse la concurrence et entraîne une perte colossale de ressources publiques. Sur le plan social, elle accroît les inégalités et dégrade la qualité des services essentiels comme la santé et l’éducation. Politiquement, elle érode la confiance des citoyens dans les institutions et affaiblit l’État de droit. Même l’environnement n’est pas épargné, avec des décisions favorisant l’exploitation illégale des ressources naturelles au détriment des écosystèmes.
Le rapport de l’AVEC ne se limite pas à dénoncer. Il appelle à une mobilisation urgente et collective. Il exhorte la société civile à sortir de sa réserve, à s’approprier les conclusions de l’étude et à relancer le débat public sur l’intégrité, la transparence et la redevabilité. Il interpelle également les partenaires techniques et financiers pour qu’ils conditionnent leur soutien à des engagements concrets en matière de bonne gouvernance.
De nombreux observateurs saluent le courage et la rigueur des auteurs de ce rapport, qui s’attaquent à un sujet tabou, souvent évité. Leur initiative vient combler un vide et offre aux citoyens, journalistes, magistrats, parlementaires et décideurs un outil de plaidoyer sérieux, crédible et argumenté. Elle offre aussi un espace de dialogue, de réflexion et de convergence des efforts pour engager enfin un tournant dans la lutte contre la corruption.
Alors que la Mauritanie est signataire de la Convention des Nations Unies contre la corruption depuis 2005, ce rapport constitue un rappel utile : l’engagement ne doit pas être seulement juridique ou institutionnel, il doit être politique, éthique et citoyen. En le relayant largement, en le discutant, en en faisant une base de travail, les forces vives de la nation peuvent jouer leur rôle. Car se taire face à la corruption, c’est y participer.
Mohamed BNEIJARA