Ouest-France – Bloqués dans trois bases, 1 500 soldats vivent dans une précarité croissante, victimes du bras de fer entre la junte nigérienne au pouvoir depuis août et Paris qui ne la reconnaît pas.

 » Abandonnés  » ! L’humeur est visiblement morose au sein du contingent français au Niger. Principalement, confinés sur la BAP (la base aérienne projetée) située près de l’aéroport de Niamey, les quelque 1 500 soldats français sont au cœur d’un bras de fer entre l’Élysée et les putschistes du 26 août qui souhaitent le départ des forces françaises et qui ont dénoncé plusieurs accords de coopération militaire conclus avec l’ex-puissance coloniale.

Côté français, Emmanuel Macron, intransigeant, maintient qu’un éventuel redéploiement des forces françaises au Niger ne sera décidé qu’à la demande du président Mohamed Bazoum toujours considéré par la France comme le légitime chef de l’État.

En attendant un accord politique, la situation des militaires français se dégrade depuis le début du mois de septembre : relève compromise, réserves qui s’épuisent, encadrement sous stress, peur d’une sortie de crise violente…

A cela s’ajoute la crainte d’être débordés par les manifestants nigériens qui bloquent tous les accès au camp français.  » Le problème, c’est la foule. Elle se fait manipuler par le mouvement M62 principalement qui fait monter le sentiment anti-français. Ce sont ces mêmes manifestants qui ont stoppé le boulanger et qui empêche les personnels locaux de venir travailler sur la BAP. Alors que les personnels locaux peuvent encore travailler pour les Allemands et les Italiens. Le filtrage n’est pas effectué par les forces armées nigériennes mais par les manifestants « , explique un Français, ancien militaire, qui travaille sur place dans le transport.

Ravitaillement aléatoire

Sur la BAP, les conditions de vie sont de plus en plus compliquées :  » Aucun mouvement d’avion, les mouvements entre la zone vie et la zone technique sont surveillés et filtrés par l’armée nigérienne, un fossé antichar a été creusé, plus de ravitaillement alimentaire, évidemment pas d’autorisation de sortie. La base vivait sur les réserves des congélateurs jusqu’à cette semaine. Désormais pas de pain, le papier toilette rationné « , a résumé un soldat français à sa famille.

 » Nous avons encore un stock conséquent de carburant pour les groupes électrogènes, nous sommes aussi autonomes concernant l’eau potable et sanitaire et il y a encore de quoi manger un certain temps « , précise toutefois l’ancien militaire français avant de préciser:  » En revanche, la situation sur les deux bases avancées (Ouallam et Ayorou) devient intenable : plus de ravitaillement en eau, nourriture et carburant. Bientôt plus d’électricité pour eux. Et il est impossible de les approvisionner ».

A Ouallam, au nord de Niamey, près de 200 soldats vivent de plus en plus chichement, leur autonomie passée devenant un souvenir.  » Tout ça ne tient qu’à un fil. Ce qui me pose problème, c’est que nos capacités se dégradent un peu plus tous les jours, précise un sous-officier qui préfère garder l’anonymat. La mission : »  » Tenir », c’est » « OK ; mais il nous faut de quoi manger, se laver et un minimum de confort ! Dimanche, l’électricité coupe et nous n’aurons plus de moyen de recharger nos appareils une fois que nos batteries seront déchargées. Nous attendons juste une direction de manœuvre ; rien que ça, ça nous donnerait du moral »».

Philippe CHAPLEAU

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