Ouest-France – La prise de Tombouctou en 2012 par des groupes coalisés autour d’al-Qaïda avait déclenché l’intervention militaire française au Mali.
Onze ans plus tard, la cité est soumise à un blocus, la nourriture commence à manquer. La junte militaire au pouvoir semble incapable de réagir, malgré l’appui des mercenaires russes de Wagner.
Lorsque le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), la coalition de groupes djihadistes du Sahel affiliés à al-Qaïda, a annoncé le 8 août que ses combattants entamaient un blocus de Tombouctou, cela ressemblait à un coup de propagande.
Un mois et demi plus tard, toutes les routes menant à la ville du centre du Mali, peuplée de quelque 50 000 habitants, sont impraticables, soit sous le contrôle direct des djihadistes, soit trop exposées à des embuscades.
Pénurie
Les aliments de base comme l’huile, les pâtes et le sucre arrivent aux compte-gouttes et commencent à manquer. Les prix flambent, comme celui de l’essence, essentielle pour les générateurs électriques, qui a doublé. La « perle du désert », aux portes du Sahara, célèbre pour son patrimoine religieux et ses mausolées aux « 333 Saints », importe quasiment tout. De Bamako, de Mauritanie ou d’Algérie.
Jusqu’au 7 septembre, le ravitaillement pouvait se faire par le fleuve Niger. L’attaque contre le ferry Tombouctou (64 morts) y a mis fin. Juste après, des obus sont tombés sur la piste de l’aéroport, au sud de la ville, où les avions civils ne se posent plus.
Comme si cela ne suffisait pas, un avion de transport militaire s’est crashé samedi 23 septembre sur l’aéroport de Gao, à 300 km à l’est de Tombouctou, probablement à cause d’un problème mécanique et pas d’un tir ennemi. L’accident a fait des dizaines de morts. Le mystère demeure sur la présence à bord de mercenaires russes de Wagner. La junte au pouvoir à Bamako a seulement reconnu le crash a minima, en raison du décès d’un haut gradé.
Ce mercredi 27 septembre, une attaque djihadiste d’envergure a cette fois visé un poste de l’armée malienne, à Acharane, à 20 km à l’ouest de Tombouctou. Les djihadistes auraient tué une dizaine de soldats, fait un prisonnier et se seraient emparé de six véhicules et d’une quantité importante d’armes et de munitions.
Reconquête fictive
Le blocus de la ville de Tombouctou confirme que la junte militaire, qui a pris le pouvoir en août 2020, exigé et obtenu le départ des soldats français en août 2022, a toutes les peines du monde à tenir le terrain dans le centre du pays. Les djihadistes étendent leur emprise sur les zones rurales à mesure de l’évacuation des Casques bleus de la Minusma, dont les putschistes ont également exigé le départ. L’armée malienne se contente d’occuper les bases abandonnées sans pouvoir réellement en sortir pour manœuvrer.
Le récit de « la reconquête de la souveraineté malienne » sur le nord du pays, servie par la junte, a tout d’une fiction. Outre les djihadistes, les forces armées maliennes se heurtent aussi aux combattants touaregs de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signataire en 2015 de l’accord de paix d’Alger, jamais mis en œuvre. La CMA refuse que les bases de la Minusma du nord du Mali, de facto sous son contrôle, soient remises à l’armée malienne.
En 2012, c’est l’alliance de circonstance entre les Touaregs de la CMA et les djihadistes regroupés autour d’al-Qaïda, qui avait fait basculer tout le nord du Mali et permis l’entrée des djihadistes dans Tombouctou…
Patrick ANGEVIN