La Mauritanie fait face, depuis plusieurs semaines, à une invasion acridienne préoccupante, marquée par la prolifération de criquets pèlerins dans plusieurs régions agricoles et pastorales du pays. Cette situation intervient à un moment particulièrement critique, alors que le pays est déjà soumis à de fortes pressions économiques, climatiques et sociales, accentuant les risques pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations.

Selon les services spécialisés et les alertes des partenaires techniques, les conditions pluviométriques favorables enregistrées ces derniers mois ont créé un environnement propice à la reproduction des criquets. Des bandes larvaires et des groupes d’adultes ont été observés dans des zones à fort potentiel agro-pastoral, menaçant directement les cultures vivrières, les pâturages et les moyens de subsistance des ménages ruraux.

Cette invasion survient dans un contexte régional tendu, marqué notamment par la restriction malienne de l’accès des éleveurs mauritaniens aux zones de pâturage . Cette mesure, bien que relevant de considérations souveraines et sécuritaires, a profondément modifié les équilibres pastoraux traditionnels. Elle exerce une pression accrue sur les ressources naturelles disponibles en Mauritanie, déjà fragilisées par la variabilité climatique et la dégradation des terres.

L’arrivée des criquets pèlerins risque ainsi de désorganiser davantage les systèmes de production agro-pastoraux, en réduisant la disponibilité du fourrage et en détruisant les cultures pluviales, essentielles à l’alimentation des ménages les plus pauvres. Pour de nombreuses communautés, notamment dans les zones rurales du sud et du centre du pays, cette situation pourrait entraîner une baisse significative des récoltes et une perte de revenus, aggravant une insécurité alimentaire et nutritionnelle déjà élevée.

Les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les enfants de moins de cinq ans figurent parmi les groupes les plus exposés. Dans plusieurs régions, les taux de malnutrition aiguë restent préoccupants, et toute perturbation supplémentaire de l’accès à la nourriture risque d’avoir des conséquences durables sur la santé et le développement des enfants.

Face à cette menace, les autorités ont engagé des opérations de lutte anti-acridienne, avec l’appui de partenaires techniques et financiers. Toutefois, les experts alertent : sans une intensification de la surveillance, de la prévention et de la coordination régionale, les efforts actuels pourraient s’avérer insuffisants pour contenir la propagation des essaims, notamment à l’approche des prochaines saisons de reproduction.

Au-delà de la réponse d’urgence, cette crise met en lumière la vulnérabilité structurelle des systèmes alimentaires et pastoraux du pays. Elle souligne l’urgence de renforcer les mécanismes d’anticipation, de soutenir les moyens de subsistance des populations rurales et d’investir durablement dans la résilience face aux chocs multiples — climatiques, économiques et sécuritaires.

Dans un pays déjà éprouvé par l’insécurité alimentaire, l’invasion acridienne apparaît ainsi comme un facteur aggravant majeur, appelant à une mobilisation nationale et internationale rapide pour éviter qu’elle ne se transforme en crise humanitaire de plus grande ampleur.

Mohamed BNEIJARA

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