L’arrestation, en ce mois de décembre 2025 à Nouakchott, d’un groupe dépassant la dizaine de personnes impliquées dans une affaire de drogue aurait pu marquer un tournant décisif. Elle a surtout ravivé la colère, la méfiance et le scepticisme des citoyens. Sur les réseaux sociaux, une question revient avec insistance : combien d’entre eux seront réellement jugés et condamnés ? Pour beaucoup d’internautes, l’expérience passée est amère et répétitive : arrestations médiatisées, dossiers classés, prévenus relâchés, puis l’oubli organisé.

Cette situation ne relève pas uniquement d’un problème sécuritaire. Elle révèle une crise plus profonde et plus grave : celle de la gouvernance, de la crédibilité de l’État et de la confiance entre les citoyens et les institutions. L’impunité, qu’elle soit réelle ou perçue, alimente le cynisme, fragilise le pacte social et ouvre la voie à toutes les dérives.

La question des drogues en Mauritanie n’est plus un fait divers isolé ni une rumeur amplifiée par les réseaux sociaux. Elle est devenue une réalité inquiétante, visible, répétitive, presque banalisée. Les saisies se multiplient, les communiqués officiels se succèdent, mais une constante demeure : les individus interpellés dans les affaires de drogue finissent, dans de nombreux cas, par être libérés, sans explication convaincante pour l’opinion publique.

Dans un pays à identité musulmane affirmée, où les valeurs morales et sociales sont censées constituer un rempart contre les dérives, la progression du trafic et de la consommation de drogues dures choque profondément. Elle choque d’autant plus que la jeunesse, déjà fragilisée par le chômage, la précarité et le manque de perspectives, apparaît comme la première victime de ce fléau. La drogue circule, se consomme et détruit des vies, pendant que les responsabilités se diluent et que les comptes ne sont pas rendus.

Les chiffres parlent pourtant d’eux-mêmes. En 2023, la Mauritanie a enregistré des saisies record de cocaïne, confirmant son basculement progressif en couloir stratégique du narcotrafic au Sahel et en Afrique de l’Ouest. L’interception spectaculaire, le 18 juin 2023, d’un navire transportant plus de deux tonnes de cocaïne n’a fait que confirmer ce que beaucoup soupçonnaient déjà : le pays n’est plus seulement une zone de transit, il est en passe de devenir une véritable plaque tournante.

Face à cette réalité alarmante, la réponse des autorités semble insuffisante, voire ambiguë. Les démantèlements annoncés sont présentés comme des succès, mais ils donnent souvent l’impression de ne viser que des exécutants, laissant intactes les têtes de réseaux. Pire encore, lorsque des soupçons de proximité entre certains trafiquants et des cercles influents du pouvoir émergent, le silence et l’inaction renforcent le sentiment d’une justice à deux vitesses.

La lutte contre le trafic de drogues ne peut se limiter à des saisies spectaculaires et à des annonces ponctuelles. Elle exige de la rigueur judiciaire, de la transparence institutionnelle et surtout du courage politique. Tant que les réseaux puissants resteront hors d’atteinte et que la justice semblera sélective, la Mauritanie continuera de perdre une bataille essentielle : celle de la protection de sa jeunesse et de l’autorité de l’État.

La drogue n’est pas qu’un problème de sécurité. C’est un test de justice, de gouvernance et de responsabilité.

Mohamed BNEIJARA

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