Depuis son accession au pouvoir, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani s’est engagé à apporter une réponse ferme et définitive au dossier du passif humanitaire, l’une des pages les plus douloureuses de l’histoire récente de la Mauritanie. Dès 2019, il exprimait sa volonté de bâtir une Mauritanie « fière de sa diversité et réconciliée avec elle-même ». Plus de quatre ans plus tard, cette promesse demeure au cœur des attentes d’une large majorité de la population, qui aspire à tourner cette page de souffrances, de non-dits et de frustrations accumulées.
La Mauritanie est une terre de diversité culturelle, linguistique et identitaire. Pourtant, cette richesse, censée renforcer la cohésion nationale, a souvent été fragilisée par des héritages lourds, des pratiques injustes et des inégalités persistantes. Les séquelles du passé, les discriminations encore présentes et certaines attitudes contraires aux valeurs universelles continuent d’entraver la construction d’une nation juste et égalitaire. Pour progresser, il est indispensable d’avoir le courage d’affronter ces blessures, de les guérir, et surtout d’éviter qu’elles ne se rouvrent sous la pression des tensions politiques ou communautaires.
Dans cette optique, le gouvernement dirigé par Ould Diaye a récemment annoncé la mobilisation de ressources financières importantes pour traiter ce dossier sensible. Une étape significative, mais insuffisante si elle n’est pas accompagnée d’un acte politique fort, clair et définitif.
En cette fin d’année 2025, la situation devient plus que jamais explosive. La récente intervention médiatique d’anciens officiers et le débat passionné qu’elle a suscité témoignent de la charge encore vive de ce dossier dans la conscience nationale. Leurs révélations, relayées et amplifiées par les réseaux sociaux, ont ouvert une brèche dans le silence officiel. Plus inquiétant encore, de nouvelles accusations ciblent désormais des personnalités jusqu’ici considérées comme éloignées de cette question. Cette escalade fragilise gravement la cohésion sociale et le climat politique.
Il est donc impératif — non plus souhaitable, mais essentiel — que les autorités prennent des mesures claires, tranchent, clarifient et clôturent définitivement ce dossier. Laisser la situation s’enliser serait une erreur grave, un danger pour la paix civile et une opportunité inespérée pour les extrémistes de tous horizons. Certains acteurs, qu’ils soient arabes ou noirs, instrumentalisent déjà cette question pour approfondir les divisions, alimenter les rancœurs et polariser la société. Le gouvernement a le devoir moral et historique d’empêcher le pays de retomber dans ces spirales dangereuses du passé.
Au-delà de ce dossier, d’autres défis structurels persistent : discriminations socioculturelles, pauvreté multidimensionnelle, marginalisation des femmes et des personnes handicapées, ainsi qu’un ensemble de facteurs freinant l’égalité des chances et la cohésion nationale. Tant que ces fractures ne seront pas résorbées, évoquer une réconciliation nationale restera une utopie.
Le moment est venu d’adopter une véritable rupture politique. La Mauritanie a besoin d’un État qui protège tous ses citoyens, sans distinction d’origine, de couleur ou de statut. Elle exige un leadership capable d’affirmer la vérité, de rendre justice, et de rappeler que la dignité humaine est non négociable. À l’approche du dialogue national, alors que le président renouvelle son engagement en faveur de l’application rigoureuse de la loi et de la lutte contre la gabegie, la résolution du passif humanitaire devient le véritable test de la sincérité des engagements du gouvernement.
Traiter ce dossier, ce n’est pas seulement refermer une page douloureuse ; c’est ouvrir celle d’une Mauritanie plus unie, plus forte et plus équitable. C’est garantir l’avenir des jeunes générations. C’est neutraliser définitivement la propagande des extrémistes. Et c’est surtout rappeler que la paix sociale n’est pas un acquis, mais une responsabilité collective, que l’État doit porter en priorité.
Face à des enjeux énormes — économiques, sociaux, climatiques et sécuritaires —, la Mauritanie ne peut avancer en portant un fardeau aussi lourd et inflammable. Il est temps de tourner la page, mais une page propre, fondée sur la vérité, la justice et le courage politique que le pays attend depuis trop longtemps.
Mohamed BNEIJARA