Depuis la remise au président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani du rapport annuel de la Cour des comptes, les réseaux sociaux s’enflamment. De nombreux citoyens dénoncent un manque de rigueur dans la gestion des deniers publics, tandis que des voix s’élèvent contre certains hauts responsables indexés pour mauvaise gestion, mais qui, paradoxalement, se voient confier de nouvelles missions d’envergure. Ce tumulte a créé une onde de choc dans l’opinion publique : aucune personnalité politique, même au sein du pouvoir, n’a publiquement pris la défense du président, laissant entendre que ce dernier porterait seul la responsabilité de cette situation de gabegie. L’opposition, quant à elle, n’a pas tardé à réagir, exigeant des mesures concrètes à la hauteur du principe de transparence que consacre ce rapport jugé salutaire, mais insuffisant en l’état.

Depuis plusieurs semaines, la majorité présidentielle brille par son absence de communication. Aucun responsable n’est monté au créneau pour expliquer, relativiser ou défendre les conclusions du rapport, donnant l’impression d’un pouvoir désuni et d’un président isolé face à la tempête médiatique et populaire.

Le rapport annuel de la Cour des comptes pour les années 2022 et 2023 met en lumière des irrégularités financières majeures dans des secteurs vitaux tels que le pétrole, les mines, les infrastructures et l’éducation. Parmi les principales conclusions figurent des infractions financières répétées et le non-respect des procédures des marchés publics, une faiblesse du recouvrement, un manque de suivi des obligations contractuelles des opérateurs économiques et une absence de transparence dans la passation des marchés et le suivi des projets publics.

Dans le domaine du pétrole et des mines, le rapport évoque de graves lacunes dans la conclusion des contrats d’exploration et d’exploitation, ainsi qu’une prise en compte insuffisante des risques environnementaux liés aux activités minières. Concernant la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la Cour note l’absence d’un plan comptable spécifique ainsi que le manque d’une base de données fiable des cotisants et assurés, un risque majeur pour la viabilité du système d’assurance maladie. Pour la SOMELEC, les auditeurs dénoncent une baisse injustifiée du rendement commercial et un taux de recouvrement limité à 53 % au premier semestre 2023, bien en deçà de l’objectif fixé à 95 %.

Dans le secteur des infrastructures, notamment le projet routier Néma–Bassiknou–Fassala, le rapport relève des retards injustifiés, le paiement de travaux non exécutés ainsi que la non-application des pénalités de retard prévues par la loi. De même, la Direction des projets d’éducation et de formation est épinglée pour des souscriptions illégales, des attributions de marchés par des entités non habilitées et des projets non enregistrés ou retardés.

En conclusion, la Cour recommande de renforcer les mécanismes de contrôle interne, d’améliorer la prévision budgétaire et d’assurer une meilleure transparence dans la gestion publique. Mais au-delà des recommandations, l’opinion publique attend désormais des actes concrets, car si la transparence est saluée, l’impunité perçue demeure au cœur de la colère citoyenne.

Mohamed BNEIJARA

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