Des centaines d’enfants exclus des classes pour défaut de tenue scolaire : une violation flagrante de l’idéal républicain.
Ce devait être un jour de fête, celui du retour sur les bancs de l’école. Pourtant, pour des centaines d’enfants mauritaniens issus de ménages pauvres, la rentrée scolaire s’est transformée en cauchemar. Contraints de rebrousser chemin, ils ont été purement et simplement renvoyés de leurs établissements. Le motif ? Leurs parents n’ont pas pu acquitter la somme nécessaire pour l’achat des tenues scolaires imposées.
Dans la cour des écoles primaires, notamment en milieu rural, le spectacle était insoutenable. Tandis que la majorité des élèves, fraîchement habillés de neuf, se pressaient pour retrouver leurs camarades, un petit groupe, identifiable par ses vêtements dépareillés et usés, se tenait à l’écart, sous le regard mélangé de honte et de tristesse de leurs parents. « Je voulais tellement revenir à l’école, retrouver mes amis », murmure Ahmed*, 9 ans, les yeux baissés. « Mais le directeur m’a dit de rentrer à la maison et de ne revenir que quand j’aurai l’uniforme. Mon père a tout essayé, mais il n’a pas trouvé de travail ce mois-ci. »
Cette scène, choquante et récurrente, érige un mur infranchissable entre l’école et les plus démunis. Elle transforme un droit fondamental – celui à l’éducation – en un privilège conditionné par la solvabilité des familles. Cette situation met en lumière, de manière crue, la faiblesse criante de notre filet de protection sociale. Un État qui se veut républicain se doit d’être le garant de l’égalité des chances dès le plus jeune âge. Or, le système actuel n’est pas en mesure de protéger ses enfants les plus vulnérables contre cette profonde injustice.
Des témoignages poignants : Fatou, mère de deux enfants, partage son désespoir : « J’ai sacrifié tout ce que j’avais pour acheter des fournitures, mais je n’ai pas pu leur offrir l’uniforme. Cela me brise le cœur de voir mes enfants exclus. » D’autres parents, comme Moussa, tentent de se battre pour leurs enfants en organisant des collectes de fonds à l’échelle de la communauté, témoignant d’une solidarité touchante mais insuffisante pour pallier les lacunes de l’État.
Au lieu d’offrir discrètement les tenues manquantes pour préserver la dignité des élèves, le renvoi public stigmatise. Il crie à toute l’école que ces enfants sont pauvres, les désignant comme des fardeaux pour leurs parents, incapables de répondre à une exigence matérielle. Cette humiliation institutionnalisée porte une blessure psychologique bien plus profonde qu’un simple retard scolaire. Cette pratique sonne le glas de l’esprit même de l’école républicaine. Fondée sur le principe d’émancipation par le savoir, celle-ci est censée être un sanctuaire où les déterminismes sociaux s’effacent devant le mérite et l’intelligence. En excluant un enfant pour des raisons pécuniaires, nous trahissons cet idéal.
Un appel à la réflexion : L’école, qui devrait être le creuset où se fondent les différences pour forger une nation unie, devient au contraire le théâtre où se joue et s’amplifie le fossé entre les riches et les pauvres. Elle n’est plus le lieu qui corrige les inégalités ; elle est devenu celui qui les consacre et les rend visibles, dès le plus jeune âge. En excluant des enfants, nous les privons non seulement d’une éducation, mais aussi de la possibilité de rêver d’une vie meilleure.
La solution ne réside pas dans la suppression pure et simple des tenues, qui peuvent avoir une vertu égalisatrice. Elle exige une politique sociale volontariste et humaine : la mise en place par l’État ou les communes d’une caisse permettant de fournir gratuitement et discrètement les tenues aux familles dans le besoin, une sensibilisation du corps éducatif pour rappeler aux directeurs d’établissement et aux enseignants que leur mission première est d’accueillir, et non d’exclure, et l’encouragement des initiatives locales de solidarité communautaire.
En conclusion : En cette période de rentrée, la question n’est pas seulement de savoir combien d’enfants sont entrés en classe, mais combien ont été injustement tenus à la porte. L’avenir de notre école républicaine, et donc de notre nation, dépend de notre capacité à leur rouvrir les bras. La dignité des enfants ne devrait jamais être compromise par la condition économique de leurs familles. Il est temps d’agir pour que l’école redevienne ce sanctuaire d’égalité et d’émancipation qu’elle se doit d’être.
Mohamed BNEIJARA