Le dernier rapport de la Banque mondiale sur la situation économique en Mauritanie dresse un tableau alarmant : la croissance s’essouffle, la pauvreté se creuse et les effets d’une crise agricole persistante, des changements climatiques et du contexte post-pandémique continuent de frapper les plus vulnérables. Bien que les programmes sociaux se multiplient, leur impact reste limité, en raison de l’insuffisance des services sociaux de base — santé, éducation, sécurité sociale — que l’État est censé garantir selon les normes des droits humains.
La Déclaration de Vienne de 1993 a rappelé l’indivisibilité et l’universalité des droits humains, y compris les droits économiques et sociaux tels que le droit à un emploi décent, à la protection sociale, à une alimentation suffisante, à l’accès à l’eau potable, à des soins de santé de qualité, à un logement adéquat et à l’éducation pour tous.
Pourtant, la Banque mondiale souligne qu’en dépit d’une inflation maîtrisée et des efforts de ciblage des transferts sociaux via le programme Tekavoul et le Registre Social, le taux de pauvreté demeure alarmant : 28,4 % des Mauritaniens survivent avec moins de 3,65 USD par jour, une situation qui ne cesse d’empirer depuis 2020. Les prévisions indiquent même une aggravation de la pauvreté d’ici 2027, en raison d’une baisse anticipée de la production agricole et d’une inflation croissante.
Ce paradoxe, où l’aide sociale croît mais la pauvreté persiste, trouve son origine dans le manque de services de qualité dans des secteurs cruciaux. « Verser un transfert monétaire à un chômeur aura peu d’impact si les centres de santé sont sous-dotés ou si les écoles ne fonctionnent pas », explique un analyste économique local. L’efficacité des programmes sociaux repose directement sur la capacité de l’État à répondre à ses obligations fondamentales en matière de droits économiques et sociaux.
Dans le cadre de sa Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP 2016–2030), la Mauritanie s’est engagée à réduire de moitié la pauvreté d’ici 2030. Pour y parvenir, le rapport préconise une diversification économique urgente, un renforcement des services publics et une réforme fiscale plus équitable. Toutefois, ces actions seront vaines sans une véritable volonté d’envisager les droits sociaux non comme un choix, mais comme une obligation légale et morale.
Le lien entre pauvreté et non-réalisation des droits sociaux est désormais indéniable. Il est temps pour les décideurs mauritaniens d’abandonner les solutions temporaires au profit de politiques publiques durables, centrées sur l’accès universel aux services essentiels et le respect de la dignité humaine.
Mohamed BNEIJARA