Le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani se heurte à une résistance passive mais lourde de conséquences dans la mise en œuvre de ses programmes de développement. Depuis plusieurs mois, des signaux préoccupants émergent sur le terrain : les représentants de l’État à l’échelle locale, notamment les walis et les hakems, sont de plus en plus écartés — ou s’auto-excluent — du processus d’exécution des projets présidentiels. Malgré les recommandations directes du chef de l’État, notamment lors de son dernier entretien avec les walis où il leur a expressément demandé de renforcer la communication avec les populations au sujet des interventions de l’État, l’inertie administrative reste palpable. Ce manque d’engagement compromet gravement l’impact des initiatives gouvernementales, en particulier le Programme Prioritaire Élargi du Président (PROPEP).
Le PROPEP, lancé comme un levier stratégique pour accélérer la transformation socio-économique de la Mauritanie, a pourtant produit des résultats concrets et remarquables. Il a permis la création de milliers d’emplois à travers des projets innovants tels que « Mechroui Moustaqbeli » et « Mihneti », qui ont apporté un soutien décisif aux petites entreprises tout en offrant des formations qualifiantes à une jeunesse en quête d’avenir. Le programme a également modernisé des secteurs clés, notamment la pêche artisanale et côtière, en fournissant des équipements de sécurité, en améliorant les conditions de travail des pêcheurs et en réhabilitant les infrastructures portuaires et les chantiers navals, souvent laissés à l’abandon.
L’investissement dans les infrastructures sociales a aussi été considérable. De nombreuses écoles ont été construites ou rénovées à travers le pays, marquant un effort réel pour améliorer l’accès à l’éducation. Dans le domaine de la santé, le PROPEP a renforcé les services à la base, en mettant à disposition des ambulances, en améliorant l’offre de soins et en assurant une meilleure couverture sanitaire, notamment dans les zones rurales longtemps marginalisées. Par ailleurs, la transition numérique impulsée par ce programme a permis une modernisation sans précédent de l’administration publique : simplification des démarches, digitalisation des services, et meilleure accessibilité pour les citoyens. Dans un pays où les lenteurs administratives constituent un frein majeur au développement, cette réforme a ouvert une brèche vers une gouvernance plus efficace.
Le programme n’a pas négligé la dimension environnementale. Il a activement contribué au renforcement de la Grande Muraille Verte, un projet africain ambitieux de lutte contre la désertification, tout en favorisant la création d’emplois verts pour les communautés locales. Dans une logique de bonne gouvernance, le PROPEP s’est également doté d’une plateforme numérique de suivi et d’évaluation, garantissant la transparence des actions entreprises, la traçabilité des financements et l’adaptabilité des interventions selon les besoins du terrain.
Mais malgré tous ces acquis, le programme souffre d’un mal profond : l’absence de communication institutionnelle. Ce défaut empêche une large adhésion des populations et limite la portée des actions menées. Dans certaines régions, les citoyens ignorent tout simplement que les infrastructures dont ils bénéficient ou les services qu’ils reçoivent sont issus d’un programme présidentiel. Le lien entre l’État et les citoyens s’effrite, laissant place à l’indifférence ou à l’incompréhension. Ce manque de visibilité n’est pas simplement une erreur de communication ; il s’agit d’un véritable obstacle au développement, car il prive le programme de la reconnaissance publique nécessaire à sa consolidation et à sa pérennisation.
Plus grave encore, l’attitude de certains responsables locaux donne le sentiment que le sabotage est organisé ou toléré. En refusant de jouer leur rôle de courroie de transmission entre l’État central et les citoyens, ils fragilisent les fondations mêmes de l’action publique. Ce blocage pourrait remettre en question la capacité du pays à capitaliser sur les avancées enregistrées, à un moment où la Mauritanie a plus que jamais besoin de stabilité, de cohésion sociale et de confiance entre gouvernants et gouvernés.
Le PROPEP aurait pu, s’il avait été mieux soutenu et valorisé, devenir un modèle de politique publique inclusive et durable. Il aurait pu être étendu, renforcé, amélioré sur la base des leçons apprises. Mais faute de relais actifs et loyaux, il risque d’être relégué au rang des bonnes idées oubliées, sacrifiées sur l’autel des rivalités administratives ou de l’indifférence bureaucratique.
Le moment est peut-être venu de recentrer les responsabilités, d’exiger des comptes, et de redonner toute sa place à l’État local dans l’animation du développement national. Car au-delà des projets et des discours, c’est la cohésion de l’action publique et la confiance du citoyen envers ses institutions qui sont en jeu.
Mohamed BNEIJARA