Dès le début de son mandat, le président américain Joe Biden a plaidé pour une coopération plus étroite avec l’Afrique pour tourner la page des années Trump. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, un ballet diplomatique a commencé. Antony Blinken, le premier diplomate du pays, s’est rendu sur le continent en novembre 2021. La semaine dernière, le secrétaire adjoint au Commerce, Don Graves, s’est rendu en Côte d’Ivoire et au Ghana et a promis un partenariat gagnant-gagnant.
Pour séduire un continent qui fait trois fois la taille des États-Unis et qui est courtisé par toutes les puissances mondiales, Washington sait qu’il doit convaincre. Après les outrances de Donald Trump et le mépris manifeste qu’il affichait, l’administration Biden se montre plus respectueuse, mettant l’accent sur un partenariat « sans exploitation ».
« Les États-Unis s’engagent à être un partenaire solidaire dans une démarche de respect mutuel, a plaidé mardi Don Graves, secrétaire adjoint au Commerce. Il ne s’agit pas de puiser et d’extirper hors de l’Afrique mais d’un partenariat gagnant-gagnant dans lequel nous investissons non seulement dans les infrastructures, mais aussi dans le capital humain, en veillant à ne pas faire venir notre main-d’œuvre pour faire le travail », a-t-il déclaré lors d’un point de presse en ligne.
Infrastructures et matières premières
Il faut comprendre par là une volonté affichée de Washington de se distinguer de la Chine, dont les grands projets d’infrastructure n’emploient que très peu de main d’œuvre locale et entraînent souvent des dettes importantes pour les pays africains.
Si le discours de Washington semble tourné vers le développement, Michael Shurkin, analyste politique au sein de la Rand Corporation, soutient qu’il ne faut pas négliger les matières premières.
« Je pense que le Covid-19 et la guerre en Ukraine nous ont tous appris l’importance de diversifier nos chaines d’approvisionnement et de les protéger. Il faut garantir un accès fiable au lithium et autres métaux précieux, et surtout éviter à ce que la Chine n’exerce un monopole sur ces matières. »
Bras de fer avec la Chine
Cependant, se focaliser sur la Chine serait une erreur estime Scott Lucas, professeur honoraire à l’université de Birmingham au Royaume-Uni.
« Il ne faut pas que les États-Unis entrent dans un bras de fer avec la Chine. L’Afrique ne doit pas être un simple pion sur l’échiquier géopolitique. Plus vous agissez ainsi, plus vous rencontrerez des problèmes, car cette façon de faire vous éloignera des préoccupations réelles des communautés », a-t-il déclaré à RFI.
En novembre dernier au Nigeria, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a insisté sur le fait que l’Afrique est « au centre de la politique étrangère des États-Unis ». Cette politique doit prendre en compte les spécificités des 55 pays africains juge Lucas.
Pas un modèle pour tous
« Il ne s’agit pas d’imposer sa propre politique aux pays africains. Il n’y a pas un modèle américain unique pour tous. Il faut donc prévoir le développement économique de l’Afrique, mais en même temps laisser aux gouvernements africains la possibilité de développer leurs propres projets », insiste le spécialiste.
Privilégier donc une approche collaborative de soutien aux initiatives africaines, comme la nouvelle Zlecaf, la zone de libre-échange continentale, est « une vision prometteuse » selon Don Graves, le secrétaire adjoint au Commerce, avant de rappeler qu’il ne faut pas oublier aussi l’Agoa, la Loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique. Elle permet aux pays africains d’exporter leurs produits sur le marché américain sans droits de douane, un outil incontournable dans les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique.
L’Agoa touche à sa fin
Mais il y a un hic. L’Agoa expire en 2025 et, pas plus que Donald Trump, Joe Biden ne semble pressé de la remplacer. Une situation qui inquiète d’ailleurs le patronat ivoirien que Don Graves a rencontré à Abidjan lors de l’Africa CEO Forum. Des patrons à l’image de Stéphane Aka Anghui, directeur exécutif de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire.
« On exporte à peu près 700 milliards de franc CFA vers les États-Unis, s’ils ne nous le remplacent pas et que ça s’arrête, ça va m’inquiéter. »
Des paroles et des attentes
La visite du secrétaire adjoint au Commerce s’est conclue par la signature d’un mémorandum d’entente entre Washington et Abidjan pour renforcer leur partenariat. Un pas en avant pour Stéphane Aka Anghui mais qui reste insuffisant : « Ce n’est pas suffisant, parce qu’il faut qu’on ait l’obsession de la mise en œuvre et toute de suite mettre en place des équipes très opérationnelles pour que ce ne soit pas juste un outil théorique de plus et que très vite on voit le changement. »
Les Africains attendent donc de l’administration Biden des actes concrets et pas seulement des paroles.
RFI