L’anticapitaliste – Le pouvoir mauritanien a remporté les élections, profitant d’une paix dont ne bénéficient pas les autres pays de la région en butte aux attaques des djihadistes.
Cette stabilité pourrait être minée par les profondes injustices liées au passé esclavagiste du pays. Au total, 71,8 % des 1,8 million de Mauritaniens et Mauritaniennes ont voté pour élire leurs députés, leurs conseillers régionaux et municipaux.
Un vote d’autant plus important qu’il se situe à un an de l’élection présidentielle. Le second tour du 27 mai amplifie le résultat constaté à l’issue du premier tour.
Une élection contestée
Le parti présidentiel El Insaf (équité) est sorti grand vainqueur de ce scrutin et remporte 107 sièges sur les 176 à pourvoir, ceux de la mouvance présidentielle obtiennent 42 mandats. Quant à l’opposition, elle se contente de 27 sièges. Le mouvement islamiste Tawassoul confirme sa première place d’opposant avec 11 sièges, le Front républicain pour l’unité et la démocratie (FRUD) nouvelle organisation politique conduite par Diop Amadou Tijane, militant anti-esclavagiste, remporte 7 sièges et le parti Sawab (nationaliste arabe) qui avait fait une alliance avec Biram Dah Abeid lui aussi militant anti-esclavagiste et ancien candidat à l’élection présidentielle arrivé second, n’obtient que 5 sièges.
L’opposition a critiqué la sincérité du scrutin, rejointe de manière inattendue par les partis de la majorité présidentielle. Les accusations de fraude, de bourrage des urnes, d’achat de conscience, ont été exposées lors d’une conférence de presse le 19 mai. Cela a valu à Biram Dah Abeid d’être incarcéré pendant deux jours, accusé d’avoir tenu des propos séditieux, ce que ses avocats ont réfuté.
Évolution du paysage politique
En dépit de la difficulté de mesurer l’effet des fraudes sur les résultats annoncés, la capacité du parti présidentiel El Insaf à présenter des candidats sur l’ensemble des postes à pourvoir lui a donné un avantage décisif. L’opposition s’est affaiblie. Le mouvement islamiste Tawassoul a perdu cinq sièges en raison de ses divisions internes. Les partis de la gauche mauritanienne comme le Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et l’Union des Forces du progrès (UFP) perdent chacun leurs trois sièges. Certains leur ont reproché une attitude trop conciliante à l’égard du pouvoir et une distanciation avec leur base populaire.
Le président actuel Mohamed Ould Ghazouani a succédé à Mohamed Ould Abdel Aziz. Les deux ont participé en 2008 au putsch contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi arrivé au pouvoir lors des élections transparentes et menant plutôt une politique progressiste. Les deux putschistes se sont ensuite brouillés. En créant le parti El Insaf, Ould Ghazouani a tenté de solder un passé encombrant même si certains, accusés de crimes racistes dans les années 1990, continuent à occuper des postes stratégiques.
Un cas singulier
Le succès électoral du camp présidentiel fait suite aux nombreuses années de paix que connait la Mauritanie. Alors que le djihadisme se répand sur l’ensemble de la région y compris les pays côtiers comme le Bénin ou le Togo, la Mauritanie reste épargnée. Ce ne fut pas toujours le cas. Par exemple en 2007, quatre ressortissants français ont été tués. Mais depuis 2011 le calme est revenu. Officiellement et c’est en parti vrai, la réorganisation de l’armée mauritanienne a permis de contenir les offensives des islamistes. Le caractère islamique de la république de Mauritanie délégitimerait les attaques djihadistes. Une autre explication est aussi avancée, bien que réfutée par le pouvoir. Il s’agirait d’un accord avec al-Qaïda. En effet les USA, lors de l’assassinat de Ben Laden, ont mis la main sur sa correspondance. Il proposait aux autorités mauritaniennes la paix contre divers avantages pour son organisation. Ce type d’accord n’est pas nouveau. Le Burkina Faso sous l’ère de Compaoré en a bénéficié.
La quiétude de la Mauritanie ne saurait effacer les profondes divisions liées à son héritage esclavagiste dont les survivances continuent à structurer la société. Le succès électoral du camp présidentiel demeure entaché par les criantes injustices, véritable bombe sociale à retardement.