Kassataya – La crise préoccupante qui ébranle le système éducatif de la Mauritanie jette une sombre éclipse sur sa capacité à offrir une éducation de qualité à sa jeunesse. Les récents résultats au baccalauréat national témoignent de manière évidente de cette triste réalité.
De fait, contemplons avec prudence l’éventuelle augmentation du taux de réussite sous le mandat du Président El-Ghazouani, afin de nous détourner des écueils inhérents aux artifices statistiques.
Car une réussite de l’ordre de 15% signifie, en vérité, que 85% des prétendants se trouvent en proie à l’échec. Ainsi, convient-il de questionner la nature profonde de cette réalité, et d’explorer les causes sous-jacentes qui limitent si drastiquement les aspirations de ces jeunes individus.
Cette analyse initie une réflexion sur les problèmes inquiétants qui entravent ce système éducatif, mettant ainsi en péril l’avenir des générations actuelles et futures.
Un sous-financement chronique : en dépit d’une augmentation budgétaire portant son montant à 350 884 204 MRU, soit 10 % du budget pour l’année 2022 (1,9 % du PIB), il est manifeste que le système éducatif mauritanien souffre d’un cruel manque de ressources financières, limitant ainsi sa capacité à dispenser une éducation de qualité.
Le faible investissement public dans le secteur éducatif mauritanien place le pays en retard par rapport à ses voisins tels que le Sénégal (22,2 %), le Mali (16 % du budget), le Maroc (16 %), l’Algérie (15,3 %) et d’autres nations du Sahel comme le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, malgré les conflits armés auxquels ils sont confrontés. Notre pays occupe une triste 50e place sur le continent africain ! 50ème !!!
Les écoles publiques souffrent d’un sous-financement persistant, ce qui se traduit par une instabilité des programmes éducatifs et une disponibilité limitée des ressources.
Plus préoccupant encore est le discernement partial dans les investissements de l’État. En témoigne le taux de réussite de seulement 0,61 % dans les localités du sud à l’instar de Bababe, Boghe, Mbagne et Saradongo réunies.
Les enseignants, quant à eux, font face à des conditions de travail difficiles. Bien que des révisions salariales récentes aient porté leur salaire à 26 700 MRU, ces mesures, certes admirables, ne suffisent pas à répondre aux exigences de la vie dans les grandes villes du pays.
Par conséquent, les enseignants se retrouvent à devoir chercher des compléments de revenus. Ces conditions peu attrayantes et le manque de ressources pédagogiques appropriées contribuent à la détérioration de la qualité de l’enseignement.
Ce manque généralisé de financement crée un cercle vicieux où la qualité de l’enseignement est compromise, affectant ainsi les performances scolaires des élèves.
Des infrastructures scolaires délabrées : L’état alarmant des infrastructures scolaires en Mauritanie doit susciter en chacun de nous une profonde inquiétude. De nombreuses écoles publiques, à moins d’être complètement abandonnées ou vendues, sont plongées dans un état de délabrement avancé, portant ainsi atteinte à l’environnement d’apprentissage des élèves.
Les classes surpeuplées et les équipements insuffisants ne favorisent pas un cadre propice à l’éducation. Cette situation précaire nuit à la qualité de l’enseignement dispensé et entrave les chances de réussite des élèves.
Des inégalités dans l’accès à l’éducation : L’accès à une éducation de qualité en Mauritanie est devenu un privilège réservé à une élite. Les écoles privées, perçues comme offrant un enseignement de meilleure qualité, sont financièrement inaccessibles pour de nombreux citoyens en raison des frais de scolarité élevés.
Cette réalité crée des inégalités flagrantes, où seuls les plus fortunés ont la possibilité de bénéficier d’une éducation adéquate. Ainsi, 80 % des élèves se retrouvent piégés dans un système éducatif public qui ne répond pas suffisamment à leurs besoins.
Une barrière linguistique : La question de la langue d’enseignement dans notre pays a déjà fait couler beaucoup d’encre, réforme après réforme, et ce n’est pas près de s’arrêter.
Quelques soit la position ou le camp auquel on choisit d’adhérer, il est clair que ce vecteur d’enseignement constitue également un obstacle majeur pour les étudiants mauritaniens. L’arabisation du système éducatif a créé une barrière linguistique pour de nombreux apprenants.
Ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment l’arabe, en particulier ceux issus de milieux socio-linguistiques autre qu’arabe, rencontrent des difficultés pour comprendre et assimiler les connaissances transmises. Cette situation creuse l’écart entre les étudiants et limite leurs opportunités d’apprentissage.
Comparaison avec d’autres systèmes éducatifs : Une comparaison avec d’autres systèmes éducatifs peut être instructive pour comprendre les disparités en termes de taux de réussite au baccalauréat.
Par exemple, le système éducatif français adopte une approche moins exigeante pour l’examen du baccalauréat, ce qui se traduit par un taux de réussite proche de 90% chaque année.
Cette différence de niveau d’exigence soulève des interrogations quant à la pertinence et à l’adéquation des normes éducatives en Mauritanie. Il convient de dépasser le schéma conventionnel d’appréciation de la performance éducative, en transcendant les barrières de l’exigence traditionnelle.
Notre réflexion doit s’orienter vers une approche collective visant à promouvoir une élévation acceptable du taux de réussite, car chaque individu a la potentialité de se révéler pleinement dans le cadre de l’enseignement supérieur ou professionnel.
Dans l’état actuel des choses, notre société tend à engendrer des citoyens futurs dont le niveau d’études se trouve considérablement restreint. Une population de Bac -1. Il est donc impératif de repenser nos paradigmes éducatifs afin de favoriser l’épanouissement intellectuel et le développement global de nos concitoyens.
L’ouverture de filières spécialisées à l’université : Une proposition intéressante qui mérite d’être examinée est l’ouverture de filières spécialisées (DUT, BTS ou licences professionnelles) dans les domaines des ressources humaines, de la comptabilité ou encore le management à l’université publique, plutôt que de les laisser exclusivement aux écoles de commerce.
Cela offrirait aux étudiants mauritaniens davantage d’options éducatives adaptées au marché du travail et contribuerait à répondre aux besoins spécifiques du pays en termes de compétences professionnelles. En outre, cela augmenterait certainement le nombre de diplômés du baccalauréat.
En définitive, le système éducatif mauritanien est confronté à une réalité préoccupante, mettant en lumière des problèmes critiques qui entravent sa juste fonction.
Les établissements scolaires publics en ruine, le sous-financement persistant, les inégalités d’accès à l’éducation et les obstacles linguistiques représentent d’importants défis à la réalisation d’une éducation de qualité pour tous.
Ces diverses difficultés se dressent devant le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la Réforme du Système éducatif, Moctar Ould Dahi, l’appelant à s’engager résolument dans cette noble entreprise de réforme.
En embrassant le devoir de guider la jeunesse mauritanienne vers la connaissance, il œuvrera à élever l’éducation vers des sommets éthérés, offrant ainsi aux âmes des générations présentes et futures l’opportunité d’une éducation éclairée et édifiante.
Aboubacry LAM