Unité nationale : Le temps d’un enterrement !

Écrit par Super User le . Publié dans Politique

Le Calame - Les Mauritaniens de toutes couleurs et obédiences politiques ont prié sur la dépouille de Kane Hamidou Baba, le mercredi 29 Décembre, avant de le conduire à sa dernière demeure. Une mobilisation très impressionnante, à la dimension de l’homme.

Des politiques, des membres de la Société civile, des proches et anonymes étaient là. Et tous, disons-le, de se reconnaître en lui, en son travail et engagement politique. La présidence de la République n’aura ménagé aucun effort pour rapatrier le corps du défunt.

Ce grand rassemblement est donc venu témoigner que, oui, les Mauritaniens peuvent se réunir, ne serait-ce que le temps d’un décès, d’un deuil et d’un enterrement… D’autant plus en celui-là : réunir ne fut-il pas justement le combat de Kane Hamidou Baba ? Tous les témoignages convergents, unanimes : l’homme était un patriote, engagé pour une Mauritanie unie, une Mauritanie où le vivre ensemble soit une réalité.

C’est le projet qu’il porta à chaque présidentielle dont il fut candidat, particulièrement lors de la dernière, en 2019.

Belle démonstration d’unité

Le rassemblement multiracial et multiculturel observé lors de la prière funéraire à la mosquée Ibn Abass, ce mercredi 29 Décembre, devait le réjouir, à coup sûr, là couché sur son brancard, devant tant de mauritaniens rassemblés.

À défaut de fédérer, de son vivant, ses compatriotes, toutes composantes confondues, HBK aura réussi à les rassembler autour de son corps. Ce deuil fut une belle occasion et une belle démonstration.

La Mauritanie dont plusieurs composantes entretiennent des liens de sang et de religion, l’Islam en proue et partage, peuvent, s’ils le veulent, transcender leurs clivages politiques, politiciens et raciaux.

Les extrémistes de tous bords ont hélas réussi à nous dévier de ce chemin, creusant des fossés, dressant des murs entre les Négro-africains et les Maures, installant la méfiance entre eux, réformes de l’éducation en tête, avec deux écoles parallèles en conséquence, tandis que se bâtissaient des quartiers peuplés en grande majorité de certaines composantes à la quasi-exclusion d’autres.

Jusqu’au début des années 80, les écoliers mauritaniens partageaient pourtant les mêmes bancs, mangeaient dans les mêmes cantines, dormaient dans les mêmes dortoirs. Aucun d’entre eux ne se préoccupait de connaître la région ou la tribu de son voisin. Ils étaient mauritaniens et cela suffisait pour cheminer ensemble.

Tout cela fut sacrifié à l’autel des idéologies importées, des complexes éhontés et de la ségrégation. Pour preuves, ces réunions ou meetings de partis à leadership négro-africain ou haratine où l’on se surprend à constater l’absence de « l’autre composante », jusque aux membres mêmes des instances du parti.

Or comment un parti peut-il être reconnu « national », s’il qu’il ne réunit pas toutes les composantes de la Nation ? Il est aussi regrettable de remarquer qu’au cours des conférences, débats et autres, une fois achevée la lecture des déclarations en arabe, certains participants ne trouvent aucun intérêt à écouter les traductions dans les autres langues nationales ou en français…Et, à défaut de « motivations » sonnantes et trébuchantes, les media audio-visuels rangent leur matériel et quittent les lieux.

Un défi à relever

S’il y a un enseignement à retenir de cette mort et, plus encore, de cet enterrement, c’est que la Mauritanie a perdu un de ses grands hommes, un homme qui sut fédérer les Mauritaniens le temps d’un deuil.

Mais pourquoi est-ce seulement en pareilles circonstances que les acteurs politiques et étatiques se révèlent capables d’une espèce de sursaut patriotique et de dépassement ? Avec cette unité nationale dont tout le monde parle et reconnaît l’état de déliquescence, pourquoi n’ont-ils, en fait, presque rien accompli pour la souder et la consolider davantage ? Les mots et les effets de style ne suffisent pas à rapprocher les Mauritaniens.

Dans son discours à Ouadane, le président de la République a répété plusieurs fois la formule « unité nationale ». Mais concrètement, qu’a fait son gouvernement –déjà plus de deux années d’exercice ! – pour apporter des solutions ? Dans son discours d’investiture, le président Ghazwani avait pris l’engagement de rétablir dans leurs droits toutes les victimes d’injustice : les dossiers du passif humanitaire et de l’esclavage demeurent de lourdes entraves sur le chemin de l’unité nationale.

On parle, depuis quelques années, d’école républicaine et de cohésion sociale mais Kane Hamidou Baba et ses amis de la CVE, CVE/VR, TPMN et autres partis de l’opposition – UFP, RFD, UNAD, Tawassoul, APP… –n’ont eu de cesse à dénoncer les nominations monocolores ; autrement dit, l’exclusion des Noirs des concours, recrutements, forces armées et de défense, secteur de l’économie, avec à la clef un lancinant problème d’enrôlement…

Il faut aller au-delà de belles intentions et des velléités simplistes. S’apitoyer sur le sort des marginalisés ne suffit à les tirer d’affaire, il faut agir. C’est à cela que Kane Hamidou Baba et ses amis se sont battus. On se rappelle du sort qu’ils connurent lors de la dernière présidentielle.

Leurs soutiens malmenés, leur quartier mis en état de siège pendant des jours, le leader Samba Thiam arrêté… Ould Abdel Aziz déploya de gros moyens pour mater toute velléité de contestation des résultats...

Seuls quelques candidats de l’opposition protestèrent. Bref, une autre manière, assurément, de bâtir l’unité nationale... Aujourd’hui, Kane est parti. À ses amis de poursuivre son noble combat. Sauront-ils relever le défi ? Wait and see.

Dalay Lam

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