L’éditorial de Camara Seydi Moussa : Quand Abdelaziz se confie ou écrit à Idriss Debby

Écrit par Eclairage le . Publié dans Politique

Initiatives News - Cher ami et doyen,

Doyen, c’est avec un grand plaisir, par la présente, que je viens me confier à vous au vu de votre sagesse et votre magnifique expérience pour bénéficier de vos astuces afin de garder le pouvoir. 

Président, votre jeune frère – que je suis – est perdu. Je ne me vois pas une vie sans le pouvoir. La nature des hommes et femmes de mon pays me renforce dans cette posture. Ancien Président mauritanien, moi Mohamed, je ne m’imagine pas dans ce statut. Hélas, mon inquiétude vient de ce que je me vois, si cela arrivait, victime de règlements de comptes incalculables…

A tort ou à raison, on m’accuse de beaucoup de choses et dont la moindre est qu’on m’attribue une richesse énorme. Sur ce plan, certains de mes proches n’ont pas été discrets. Il faut dire qu’on n’a pas vu le temps passer. Un temps qui a favorisé plus l’éclosion d’un nombre important d’ennemis de toute sorte et de tout genre que le rang des fidèles à tout prix. 

Même si je connais déjà que l’homme politique mauritanien est d’une versatilité incroyable. Pour cela, les applaudisseurs ne me seront d’aucune utilité, une fois en dehors du pouvoir autour duquel ces vauriens s’agglutinent. Cher frère Debby, les similitudes de nos pays, nos politiques, nos régimes et notre alliance extérieure (la France) me donnent espoir que vous êtes la solution à l’équation à plusieurs inconnues (visibles, invisibles, extrêmement dangereux et incontrôlables) à laquelle je fais face.

Pour rappel, à l’époque où notre ami Pierre (l’ancien Président du Burundi) était dans les difficultés, je lui étais venu en aide avec des conseils qui lui ont certainement valu la position dans laquelle il est aujourd’hui ainsi que son pays. Mon ami, je vous félicite pour la réussite de votre politique d’émancipation et du développement du grand peuple du Tchad mais aussi le respect que vous incarnez pour la sécurité de notre région.

Président, vous êtes un exemple dans notre syndicat des Chefs d’Etat africains. Vous êtes le témoin vivant de notre renforcement dans notre perception que le pouvoir ne peut être légué n’importe comment – ou laissé à n’importe qui – car nous restons les véritables espoirs de nos peuples. Président, je suis dans un dilemme : partir ou rester au pouvoir en tentant de faire sauter le verrou constitutionnel. Dilemme que vous avez su régler brillamment.

Mais seulement, cher ami, moi, ma situation s’apparente à un labyrinthe dans un désert sèchement aride. Voilà pourquoi je fais appel à votre sagesse pour des conseils afin de surmonter les pièges de ce labyrinthe.

La Constitution. Le peuple. L’armée. L’Occident.

Oui, Doyen, l’armée ou la grande muette, c’est surtout elle, qui semble être mon problème. Dans cette institution hautement professionnalisée, il pourrait y avoir des hommes opposés à mon choix de rester au pouvoir. Même si j’ai, à plusieurs reprises, dit vouloir respecter la Constitution, mon souhait est tout autre. Certains de mes « appuis » civils l’ont compris et le font savoir bruyamment, mais, entre nous, connaissant leur soutien insignifiant et très intéressé, je ne perdrais rien à m’en passer. Le véritable soutien que je veux (en tout cas qui serait d’un meilleur secours) est celui de l’armée, mes frères d’armes. Des frères d’armes qui refusent de comprendre que ce qu’on désire de plus au monde, on doit faire toujours semblant de ne pas le vouloir. Je pense que le soutien de l’armée m’ouvrira un boulevard pour ce troisième mandat que je désire de toutes mes forces.

Hélas, la Constitution est si verrouillée religieusement.

Quoique, sur ce plan, j’ai des érudits qui ont déjà trouvé la solution. Eh oui, dans mon peuple civil, j’ai des soutiens qui sont prêts à accéder à tous mes désirs, comme ils l’ont fait par le passé pour mes prédécesseurs, surtout pour le grand maitre Maaouya Ould Taya.

Le peuple. Oui, avec le peuple, je pourrais être surpris mais, comme vous, j’ai l’antidote contre l’ire de ce peuple à qui j’ai donné tant de goudrons, le carrefour de l’un de ces routes bitumées porte d’ailleurs mon nom et est situé dans le prestigieux quartier de Hay Es-Sakin où, je peux le dire, est né mon sobriquet de « Président des Pauvres » (certains opposants, des moins-que-rien, disent en persiflant : « Président des Pauvres… de nous ») . Mon peuple je le connais bien. Ce peuple que j’ai appauvri ne m’inquiète pas ; y a que certains aigris, peu nombreux, juste quelques mécontents, qui font du bruit – d’ailleurs sans écho…

Mon cher, j’ai compris qu’entre ce peuple et moi, c’est l’histoire des coqs et des graines. Tu peux déplumer, voire trucider ces gallinacés, ils te suivront toujours, tant que, sur ton sillage, tu sème, gracieusement, des graines. L’essentiel étant de leur donner quelque chose à picorer.

Le peuple, mon ami, n’est pas mon grand problème, surtout que j’ai la chance d’avoir une opposition de réaction et non d’action ; une opposition (celle qui est au pays) plus élitiste que de masse. Le reste étant plus active dans les réseaux sociaux et à l’étranger. C’est pour dire que cela ne m’inquiète guère : Facebook et Whatsapp n’ont encore renversé aucun Président (en tout cas, à ma connaissance) !! Je suis très heureux que mon opposition (très … !) ne comprend pas encore qu’un peuple sans culture politique est à la merci de nos pouvoirs.

Enfin, il y a l’extérieur ou l’Occident. Mais cher ami et Excellence Monsieur le Président (hé hé !), l’Occident, et surtout la France, n’a jamais était un obstacle. Seule notre opposition (si limitée, Alhamdoullillaah) croit encore au mirage d’un poids extérieur, d’une pression, pouvant nous faire faire ce que nous ne voulons pas. L’extérieur n’a jamais étais un problème. C’est même notre soutien le plus sûr. La France fait ce que nous voulons, comme nous voulons, quand nous voulons et où nous voulons. Du refus des visas à nos contradicteurs les plus tenaces, en passant par le soutien dans les négociations contre nos opposants (je te cite, en mémoire, les fameux accords de Dakar de 2009 qui m’ont permis de rouler cette opposition dans la farine) en passant par des informations capitales pour nous aider à fortifier nos pouvoirs, la France est un partenaire fidèle. Quant à l’Amérique, houhouhhouh, avec leur actuel Président qui ne pense qu’à construire des murs et faire du Tweet, on peut dormir sur nos quatre oreilles.

Excellence, voilà pourquoi j’ai besoin de vos conseils pour m’aider à faire admettre mon projet ; un projet qui est celui de plusieurs membres de notre syndicat.

En tout cas, j’y suis et, à moins d’un miracle, j’y reste.

Salutations distinguées.

Merci d’avance.

Votre jeune frère en difficultés, Mohamed Abdel Abdel Aziz, encore et toujours le Président de la République Islamique de Mauritanie. Aujourd’hui, demain et… le siècle prochain !

Camara Seydi Moussa

source : La Nouvelle Expression 

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